Ce n'est pas une simple coupure de réseau internet et de messagerie mobile qui a paralysé l'Etat de Tripura en Inde (est du pays), de jeudi à dimanche. Ce n'est pas non plus un simple accrochage qui a emporté la vie de Zahid Khan ce même jeudi, alors qu'il effectuait avec deux collaborateurs un voyage d'affaires dans le district ouest de Tripura.
Zahid Khan, marchand de vêtements de l'Uttar Pradesh, a été victime de fausses rumeurs circulant sur l'application WhatsApp l'accusant de rapt d'enfants. Il a été lynché par une foule d'un millier d'habitants en colère, tandis que ses coéquipiers sont parvenus à fuir jusque dans un camp paramilitaire. Deux autres personnes sont mortes ce jour-là dans le Tripura, toutes victimes de «fake news».
Guerre effrénée contre les fausses rumeurs
Un drame qui a poussé les autorités à réagir. SMS et Internet ont été suspendus dans tout cet Etat pour prévenir toute nouvelle attaque de ce genre. «Il a été remarqué que les SMS, WhatsApp et les plateformes de médias sociaux telles que Facebook, Twitter et YouTube sont largement utilisées pour la transmission de fausses images et vidéos ainsi que des messages textuels susceptibles d'inciter à la violence dans l'Etat», a déclaré le directeur général de la police de Tripura, A.K. Shukla. WhatsApp comptabilise qui plus est 200 millions d'utilisateurs en Inde, surpassant de loin les services de messagerie traditionnels.
Après quarante-huit heures de coupure, les services de messagerie ont repris dans le Tripura, et la police a indiqué qu'il n'y avait eu aucun cas de lynchage inopiné à déplorer ce lundi. Dans le même temps, le gouvernement local continue de mener une guerre effrénée contre les fausses rumeurs sur les réseaux sociaux. Le ministre en chef de l'Etat, Biplab Deb, a prévenu dans un Tweet que des actions seraient menées contre les gens qui colportent de telles rumeurs.
Strongest possible action shall be taken against all the miscreants who are attempting to disrupt our peaceful and beloved #Tripura.
— Biplab Kumar Deb (@BjpBiplab) June 27, 2018
Urge citizens to not indulge in spreading rumours and fake news. Bring any such matters to immediate notice of @Tripura_Police. https://t.co/7CeGHKyTbI
22 personnes tuées à cause des «fake news»
Si elles ont été endiguées dans le Tripura, les fausses rumeurs continuent d'aller bon train dans le reste du pays. Ils sont 22 Indiens et Indiennes à avoir péri sous les coups de leurs pairs depuis le 10 mai après ces rumeurs, dont neuf en l'espace d'une semaine. «Au cours des deux derniers mois, au moins 14-15 cas de lynchages ont été signalés à travers le pays. Il s'agit notamment des incidents de lynchage au Tamil Nadu, à l'Assam, au Maharashtra, à l'Uttar Pradesh, au Telangana, au Karnataka, au Chattisgarh, au Bengale occidental, au Gujarat et à l'Andhra Pradesh», rappelle le quotidien India Today, qui s'inquiète du nombre croissant de ces attaques dans le pays.
Dans la plupart des cas, les victimes sont dénoncées comme kidnappeurs d'enfants. L'Inde comptabilise plusieurs milliers de disparitions d'enfants par an. Avec le viol de mineurs, le phénomène constitue l'un des principaux maux qui rongent la société. Les «fake news» pourraient bien être le prochain.