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Histoire

En Thaïlande, l’évacuation délicate des disparus de la grotte

Le sauvetage de la jeune équipe de foot et de leur entraîneur, retrouvés sains et saufs lundi, pourrait durer plusieurs semaines à cause des inondations.
publié le 3 juillet 2018 à 20h16

«Les participants à cette opération ont écrit un nouveau chapitre dans l'histoire des secours», s'est félicité mardi matin le gouverneur de la province de Chiang Rai en Thaïlande, Narongsak Osottanakorn. Il a coordonné l'opération de sauvetage de douze enfants et de leur entraîneur de football, disparus depuis dix jours dans une grotte du nord du pays.

Lundi soir, quand les spéléologues anglais les ont retrouvés, la Thaïlande a exulté. Une vidéo de ces enfants, assis sur une roche entourée d'eau, leur maillot recouvrant leurs jambes, et demandant dans un anglais hésitant à leurs sauveurs «Where you come from ?» a fait le tour du pays.

«Nous voulons sortir d'ici, nous avons faim», lance un gamin pris dans le faisceau des torches des spéléologues. «Pas aujourd'hui, il faut plonger. C'est OK. Nous sommes les premiers mais beaucoup de gens vont arriver», rétorque l'un des Anglais pour tenter de les rassurer. A l'entrée de la grotte, les proches sont tombés dans les bras les uns des autres et les centaines de secouristes ont levé les mains en signe de victoire.

Réalimentés

Mais dans les heures qui ont suivi, la complexité de l'évacuation des douze enfants et de leur entraîneur est apparue plus clairement. Les militaires ont d'abord indiqué que des vivres «pour quatre mois» allaient être acheminés dans la grotte, car les enfants sont trop affaiblis pour pouvoir immédiatement être évacués. Ils ont été réalimentés avec des gels à haute valeur calorique et des boissons riches en sels minéraux. Les officiels ont expliqué qu'il fallait aussi que les commandos de la marine thaïlandaise leur apprennent à plonger avec des bouteilles. En effet, le chemin du retour est composé d'environ 3 kilomètres de galeries inondées. Certains passages sont si étroits que les enfants ne pourront pas bénéficier de l'assistance des secouristes et devront se débrouiller eux-mêmes avec l'équipement. Cette période de récupération, de formation et d'attente de meilleures conditions météorologiques doit prendre «plusieurs semaines».

Et attendant, les pluies de la mousson, particulièrement fortes dans cette zone proche de la frontière birmane, ont repris mardi. Le niveau d'eau à l'intérieur de la grotte pourrait remonter malgré les énormes pompes mises en place. Et les recherches de puits et de crevasses permettant de trouver un accès alternatif sont vaines pour l'instant. Les autorités, qui ont donc jugé qu'il était mieux d'organiser une évacuation le plus rapidement possible, reconnaissent que l'opération n'est pas sans risques. «Plonger dans une grotte n'est pas facile. Surtout pour ceux qui ne l'ont jamais fait, ce n'est pas comme plonger dans une piscine. Si quelque chose intervient durant le trajet, cela peut être létal», a indiqué le ministre de l'Intérieur, Anupong Paojinda. Certains spéléologues étrangers estiment de leur côté qu'il serait mieux d'attendre, car la plongée dans des galeries inondées est très difficile pour des non-initiés. Or, aucun des enfants ne sait nager. Une course contre la montre est donc engagée, des secouristes tentant de pomper le maximum d'eau avant que l'opération d'évacuation ne soit lancée.

«Confusion»

Depuis le premier jour, les Thaïlandais suivent ce drame humain avec passion, certains n’hésitant pas parfois à critiquer sur les réseaux sociaux ou dans les médias ce qui leur apparaît comme des signes de confusion dans l’organisation des secours. Un chef adjoint de la police a ainsi été crucifié sur les réseaux sociaux pour avoir demandé la semaine dernière aux secouristes s’ils avaient un permis pour utiliser des drones et pour élargir des crevasses dans la roche.

«Les officiels thaïlandais tombent parfois dans la confusion. Telle équipe veut creuser un trou pour accéder à la grotte, telle autre veut pomper l'eau hors de la grotte», a déclaré aux médias un commentateur sur les affaires sociales. L'équipe anglaise était, elle, tellement déterminée qu'elle a refusé de donner d'interview à quiconque. Elle avait une idée très claire de ce qu'elle voulait faire : plonger, plonger et plonger.» Un sentiment d'entraide et de volonté commune domine toutefois, apportant une accalmie bienvenue dans un pays sous l'égide d'un gouvernement militaire et qui reste fortement divisé politiquement.