«Cheikha de la ville de Tunis.» Le titre, à la fois religieux et honorifique, qui désigne traditionnellement le maire de la capitale tunisienne doit désormais se conjuguer au féminin. Une première d'autant plus marquante que Souad Abderrahim est la candidate du parti islamo-conservateur Ennahdha. La quinquagénaire aux cheveux auburn mi-longs, en chemisier blanc à manches trois quart, faisant la bise à ses adjoints après son élection, ressemble davantage à une candidate des formations laïques tunisiennes. Celles-ci se sont opposées à elle davantage en tant que femme qu'en raison de son appartenance à l'opposition islamiste.
«Comment une femme peut-elle être cheikh ? Vous imaginez une femme la nuit du 27 du ramadan [la nuit du destin, ndlr] dans une mosquée ? On a des traditions religieuses, malheureusement ! On ne peut quand même imposer aux gens qu'une femme soit leur imam, ce n'est pas possible !» avait déclaré Fouad Bouslama, porte-parole de Nidaa Tounes. La formation gouvernementale avait formé une coalition avec L'Union Civile et le Front Populaire dans la première circonscription de Tunis pour contrer Souad Abderrahim. Son candidat, Kamel Idir, ancien responsable local sous le régime de Ben Ali, n'a malgré tout pas su réunir la majorité des voix du Conseil municipal.
Pharmacienne originaire de Sfax, la nouvelle maire, qui se définit comme indépendante, a dédié sa victoire aux femmes tunisiennes. «J'offre cette victoire à toutes les femmes de mon pays, à toute la jeunesse et à la Tunisie», a-t-elle déclaré. Membre du bureau politique d'Ennahdha depuis deux ans, cette mère de deux enfants avait déjà suscité l'étonnement en n'étant pas voilée. A travers elle, notamment, le mouvement islamiste tunisien a cherché à faire une ouverture en direction de personnalités compétentes de la société civile.
«Maintenant que l'islamisme radical gagne les mairies tunisiennes, on n'a plus que nos yeux pour pleurer le sort de la Tunisie de Kheireddine Pacha, Tahar Ben Achour, et Habib Bourguiba. Adieu la Tunisie…» s'est lamenté un internaute tunisien sur le site d'information Webdo.tn. «Tu vois une islamiste sur la photo ? Moi, perso, pas du tout !» lui a répondu une de ses compatriotes.