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Libération
Vu de Berlin

Orbán-Merkel : derrière les divergences, certaines convergences

La chancelière allemande a rencontré à Berlin le Premier ministre hongrois pour la première fois depuis quatre ans. Si elle a réaffirmé ses positions humanistes, elle a aussi dû infléchir sa politique migratoire.
Angela Merkel et Viktor Orbán, ce jeudi à Berlin. (Photo Omer Messinger. AFP)
publié le 5 juillet 2018 à 19h24

«Toute chose a un temps. Hier, c'était hier», commentait voilà quelques mois Angela Merkel lorsqu'elle consentit, sous pression de la CSU, de limiter à 200 000 le nombre de demandeurs d'asile par an en Allemagne. Hier, c'était en 2015, lorsque la chancelière prônait une politique migratoire «généreuse», et que l'Allemagne accueillait près d'un million de réfugiés sur l'air du «Wir schaffen das» («nous y arriverons»). Face à elle, on trouvait la Hongrie de Viktor Orbán et sa politique nationaliste et antiréfugiés. Les deux dirigeants étaient alors aux antipodes.

Et aujourd'hui ? Sur le papier, les «divergences», pour reprendre le terme utilisé par la chancelière, semblent être encore là. Angela Merkel recevait le Premier ministre hongrois à Berlin, jeudi. C'est la première fois en quatre ans. Sur le papier, dans les discours, elle prône toujours une Europe humaniste. Et affiche clairement ses divergences. «Nous allons protéger nos frontières extérieures» dans l'UE, a-t-elle déclaré, «mais pas avec l'objectif de ne nous enfermer et de ne plus parler que de fermeture et d'une sorte de forteresse». Ajoutant : «L'humanité, c'est l'âme de l'Europe et cette âme, si nous voulons la conserver […], alors l'Europe ne peut tout simplement pas se couper de la détresse et de la souffrance» en se retranchant dans une «forteresse». De son côté, Viktor Orban souhaite, ce qui ne surprend personne, «fermer les frontières».

«Centres de transit»

Pourtant, les choses ont changé en quatre ans. Chez Angela Merkel, les mots restent, mais les actes les contredisent. Plusieurs événements sont venus infléchir la politique migratoire de la chancelière. Ironie du calendrier, le soir de sa rencontre avec Orbán, elle devait encore convaincre ses alliés sociaux-démocrates d'approuver un plan concocté avec la CSU afin de durcir considérablement la politique migratoire en Allemagne. Le texte prévoit de renvoyer les demandeurs d'asile déjà enregistrés ailleurs dans l'Union européenne vers le pays d'entrée ou, à défaut, de les refouler vers l'Autriche voisine. Et de placer les migrants arrivant en Allemagne mais déjà enregistrés dans un autre pays de l'UE dans des «centres de transit» à la frontière autrichienne.

Depuis 2015, aussi, l'extrême droite est entrée au Bundestag ; des pays européens se sont dotés de gouvernements néonationalistes à la violente politique antiréfugiés (l'Autriche, l'Italie). Ces dirigeants, auxquels on ajoutera le ministre de l'Intérieur allemand, Horst Seehofer, se réclament tous d'Orbán. En 2015, Angela Merkel était surnommée «la reine de l'Europe». En 2018, écrit Der Spiegel, «c'est Orban qui dicte ses conditions» à la chancelière allemande.