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Libération

En Allemagne, l’accord sur l’accueil des migrants ne tient qu’à un fil

publié le 6 juillet 2018 à 20h26

En Allemagne, l'avenir de la coalition au pouvoir reste fragile, même si la crise gouvernementale a été évitée de justesse en début de semaine après l'accord entre la CDU d'Angela Merkel et la CSU de son ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer. Alors que les conservateurs se sont mis d'accord sur une politique migratoire bien plus stricte que celle menée par Angela Merkel à partir de 2015, ce compromis dépendait encore de l'aval de l'autre parti de cette coalition, le SPD (sociaux-démocrates). Jeudi soir, ce dernier est donc finalement parvenus à un accord avec les conservateurs de la CDU et CSU.

Andrea Nahles, cheffe de file du SPD, a déclaré qu'il n'y aurait pas d'action unilatérale de la part de l'Allemagne de reconduite à la frontière, ni de camp d'aucune sorte établi sur le sol allemand. En lieu et place de ces «zones de transit», et en application du règlement de Dublin III, les demandeurs d'asile qui seraient renvoyés séjourneront dans les infrastructures de la police des frontières. Cela permet au SPD de conserver intacte la ligne du parti en matière de politique migratoire, tout en concédant aux conservateurs l'accélération du processus de reconduite à la frontière des demandeurs d'asile dits secondaires, c'est-à-dire ceux déjà enregistrés dans un autre pays de l'UE et qui y ont déposé une demande d'asile.

Ce durcissement de la politique migratoire des sociaux-démocrates n'est ni surprenant ni inattendu : au moment des longues négociations qui avaient abouti à la coalition, Andrea Nahles avait annoncé une «restructuration de la politique d'asile». Un moyen pour le SPD, tout comme pour l'alliance historique CDU-CSU, de se maintenir au pouvoir. Mais ce faisant, la faction sociale-démocrate au sein de la coalition s'éloigne un peu plus du mouvement interne des Jeunes Socialistes (JuSoz), avec à leur tête Kevin Kühnert, pour qui la politique nationaliste de la CSU constitue désormais une grave atteinte à la coalition. Le chef des JuSoz s'est d'ailleurs interrogé :  «Est-ce que l'alliance CDU-CSU opère selon le contrat de coalition [avec le SPD] ou fait-elle partie de la droite nationaliste européenne ?»

De son côté, Sigmar Gabriel, ancien ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier (SPD), a déclaré au  Spiegel  qu'Andrea Nahles  «a montré à Horst Seehofer qui tenait les rênes de cette coalition et que ce n'était pas lui qui dirigeait le SPD». De fait, face aux menaces du ministre de l'Intérieur de faire imploser la coalition si difficilement conclue en mars, Seehofer a perdu la confiance de ses collègues au gouvernement. Le chaos de ces dernières semaines a fait chuter sa cote de popularité de 43 % à 27 %.

En attendant, l'accord trouvé au sein de la coalition reste précaire. Il dépend (entre autres) de la capacité de l'Allemagne à convaincre d'autres Etats membres, en particulier l'Autriche, de signer des accords bilatéraux. Horst Seehofer s'est rendu jeudi à Vienne pour rassurer le chancelier, Sebastian Kurz, irrité de ne pas avoir été consulté en amont sur la politique migratoire par les deux partis conservateurs allemands. Kurz, à la tête d'une coalition conservateurs-extrême droite, a pris acte du durcissement de la politique allemande en annonçant que la plus haute priorité serait désormais pour l'Autriche  «de protéger ses frontières»  en prenant des mesures similaires à celles décidées par l'Allemagne.

De son côté, Angela Merkel recevait le même jour le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, en visite officielle à Berlin pour la première fois depuis mai 2014. Malgré le  «cher Viktor» donné en début de conférence de presse, la rencontre a surtout avivé le contraste entre les deux chefs d'Etat sur la question migratoire. Le contact renoué semble loin du dialogue constructif, et les tractations pour un accord bilatéral Allemagne-Hongrie promettent d'être houleuses.