«Avec la main lourde» : c'est ainsi que Benyamin Nétanyahou a promis de traiter le Hamas lundi, en réponse aux incessants feux déclenchés par les cerfs-volants et ballons incendiaires lancés de Gaza depuis des semaines. Première mesure annoncée : la fermeture jusqu'à nouvel ordre du terminal commercial de Kerem Shalom, seul point d'entrée de marchandises depuis Israël dans l'enclave sous blocus décennal. Hors aide humanitaire, plus aucun camion ne pourra donc approvisionner les presque deux millions d'habitants de la bande côtière. Demeure seulement un point d'entrée de marchandises à Rafah, à la frontière entre Gaza et l'Egypte, dont l'ouverture reste sporadique. Quant à la zone de pêche, dont le Hamas avait récemment obtenu l'extension de quelques miles, elle est à nouveau réduite à 9 kilomètres des côtes.
Ces mesures coercitives envers une population exsangue, qui s'ajoutent à tant d'autres (budget de l'agence pour les réfugiés palestiniens sabré par les Américains, coupes imposées par Mahmoud Abbas dans la fourniture en électricité et dans les salaires versés aux fonctionnaires palestiniens), signalent un changement de stratégie israélienne. Jusqu'alors, malgré la pression de l'opposition et de l'opinion publique face aux hectares de champs réduits en cendre, l'armée et le gouvernement avaient préféré éviter l'escalade. Quelques tirs de sommation à proximité des lanceurs d'engins incendiaires, quelques mortiers sur des postes d'observation du Hamas vides – la routine.
«Nouvelles mesures, bien pires encore»
La fermeture de Kerem Shalom est d'un tout autre ordre, affectant directement la vie quotidienne des Gazaouis, dont quasiment la moitié des actifs sont sans emplois. D'autant plus que le Premier ministre israélien, qui avait soigneusement évité le sujet des incendies jusqu'alors, ne compte pas s'arrêter là : «Si ce phénomène continue, nous prendrons de nouvelles mesures, bien pires encore.»
Pourtant, ces dernières semaines, la presse israélienne avait relayé de nombreux ballons d'essais, égrenant les idées pour résoudre «la crise de Gaza». Construction d'un port au large de Chypre ou d'une zone commerciale dans le Sinaï égyptien, injections de fonds du Golfe pour un vaste programme de reconstruction pensé par des ingénieurs israéliens : à chaque jour sa solution miracle. Le tout laissait à penser que des négociations entre le mouvement islamiste et l'Etat hébreu étaient en cours. Notamment sur la question d'un échange de prisonniers, le Hamas détenant les corps de deux militaires donnés pour morts en 2014 lors de l'opération «Bordure protectrice», ainsi que deux civils israéliens. Rétifs à toute nouvelle libération de prisonniers palestiniens depuis l'accord Shalit en 2011, les Israéliens imaginaient pouvoir obtenir des résultats sur ce dossier en contrepartie d'avancées humanitaires. Las, le Hamas semble vouloir s'en tenir à la libération d'une cinquantaine d'hommes, comme l'ont fait savoir des envoyés qataris à Tel-Aviv.
Harcèlement low-cost
Dans le même temps, boycottés par l'Autorité palestinienne aux manettes en Cisjordanie depuis la reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne, les émissaires de Donald Trump dans la région avaient soudainement jeté leur dévolu sur Gaza, échafaudant différents packages structurels et humanitaires. Malgré l'échec de la réconciliation entre Fatah et Hamas, la manœuvre, en totale contradiction avec la décision de Washington en début d'année d'amputer sévèrement le budget de l'UNRWA (omniprésente à Gaza) a été perçue par les Palestiniens comme une façon de morceler la cause nationale. Et, à l'instar du fameux «deal du siècle», l'initiative semble mort-née.
A l'aune de ces échecs, le coup de menton de Nétanyahou et la stratégie de harcèlement low-cost du Hamas (dont les cerfs-volants ont causé plus de dommages que toutes les roquettes tirées ces deux dernières années) augurent d'un nouvel été à haut risque, après un printemps marqué par la sanglante répression de la «marche du retour» et ses plus de 130 morts le long des barbelés séparant l'enclave d'Israël.