Deux ans qu’on la donne sur le départ, sur le point de sauter, d’être renversée, balayée par ses propres troupes du Parti conservateur. Depuis son arrivée au 10, Downing Street, le 13 juillet 2016, Theresa May marche sur un fil. Et après les événements des dernières vingt-quatre heures, sa position n’a jamais semblé plus fragile. Ministre de l’Intérieur de 2010 à 2016, elle avait été désignée chef du Parti conservateur presque par défaut, sans opposition ni élection, après la démission surprise du Premier ministre David Cameron. Ce dernier avait quitté son poste au lendemain du référendum sur le Brexit, le 23 juin 2016, lors duquel il avait fait campagne pour le maintien au sein de l’Union européenne. Il avait perdu, puisque 51,9 % des Britanniques avaient choisi la sortie. Son successeur le plus probable semblait alors… Boris Johnson, mais ce dernier, trahi par son bras droit, Michael Gove, avait reculé à la dernière minute, laissant May seule en piste.
John Major. Soucieuse de renforcer son autorité, elle avait alors convoqué des élections anticipées en mai 2017, un pari raté puisque le Parti conservateur avait perdu la majorité au Parlement. Elle dépend depuis des voix des dix députés du petit parti nord-irlandais DUP (Democratic unionist party) pour gouverner. Après s'être exprimée devant l'ensemble de la Chambre des communes, Theresa May devait s'adresser lundi en fin d'après-midi au comité 1922, qui regroupe les 316 députés conservateurs. Si 15 % d'entre eux, soit 48, décident de ne plus lui faire confiance, ils pourraient réclamer un vote de défiance contre elle. Si May gagne ce vote, elle pourrait rester à la tête du parti et du gouvernement et, détail important, ne pourrait plus être contestée pendant douze mois. En revanche, si elle perd, elle sera contrainte de démissionner et une course à la tête du parti tory sera alors engagée, à laquelle elle ne pourrait participer.
Un vote de défiance peut être convoqué très rapidement. En 1993, le vote contre le Premier ministre conservateur John Major avait été organisé le lendemain du dépôt de la demande devant le comité 1922. En cas de course au leadership du parti, les députés tories devront voter sur les candidatures éventuelles jusqu’à n’en garder que deux. Les deux noms seraient alors présentés au vote de l’ensemble des membres du parti. Ces derniers auront à décider du nouveau chef du Parti conservateur, et donc du Premier ministre. Celui-ci pourrait alors décider de réclamer la légitimité des urnes en convoquant une élection anticipée.
Chance. Le nombre de candidats potentiels est extrêmement large. Les noms des très brexiters Michael Gove (le ministre de l'Environnement), Jacob Rees-Mogg ou Boris Johnson circulent, mais aussi ceux de remainers (opposés au Brexit) comme le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, ou celui de l'Intérieur, Sajid Javid. Aucune de ces candidatures ne semble, pour le moment, remporter une large adhésion du Parti conservateur. Ce manque d'enthousiasme pour un seul individu pourrait bien représenter la chance de Theresa May et sauver, une fois de plus, sa tête.