Menu
Libération
Récit

Au Brésil, grandeur et déchéance du docteur Popotin

Star de la chirurgie plastique avec ses implants de Plexiglas dans les fesses, Denis Furtado est en prison : une de ses patientes est morte à Rio lors d'une intervention clandestine.
Le concours Miss Bum Bum Brazil désignait le 7 novembre 2017, parmi quinze concurrentes, la plus belle paire de fesses du pays. (Photo Nelson Almeida. AFP)
publié le 22 juillet 2018 à 17h55

Parmi les passions brésiliennes, on connaît le football, la samba, un peu moins la chirurgie esthétique. C’est pourtant le deuxième pays du monde (après les Etats-Unis) pour le nombre d’actes de médecine plastique réalisés. Et les médecins qui pratiquent cette spécialité sont des célébrités nationales, à l’image du pionnier Ivo Pitanguy, mort en 2016 à 90 ans (quelques heures après avoir porté la flamme olympique des Jeux de Rio). De son côté, Denis Furtado, autoproclamé «Doutor Bumbum» (docteur Popotin, la partie du corps qu’il opérait à la chaîne) était un visage connu des téléspectateurs et totalisait, il y a encore une semaine, plus de 600 000 abonnés sur son compte Instagram.

«Un mystère»

S’il fait toujours l’objet de l’attention des médias, c’est désormais dans la rubrique des faits divers : le 15 juillet, sa patiente Lilian Quezia Calixto, employée de banque, ne s’est pas réveillée d’une opération d’amélioration du fessier. Intervention qui n’était pas réalisée dans un hôpital ou une clinique, mais au domicile du chirurgien, donc en toute illégalité. Introuvable pendant quatre jours, Denis Furtado, 45 ans, a finalement été arrêté jeudi à Barra da Tijuca, un quartier chic de Rio, après une dénonciation anonyme. Sa mère et sa compagne sont également détenues pour complicité.

Dans une vidéo postée pendant sa brève cavale, le Dr Bumbum a présenté sa stratégie de défense : le décès est «un mystère» et son premier accident en plus de 9 000 opérations, une «fatalité» qui peut arriver à n'importe quel médecin.

«Peu intrusive»

Lilian Quezia Calixto avait fait 2 000 km depuis l'Etat de Cuiaba, dans le centre du Brésil, pour se soumettre au bistouri du médiatique toubib, probablement séduite par son boniment répercuté sur Internet : sa méthode, l'injection de polyméthacrylate de méthyle (PMMA) est «peu intrusive», elle offre «des résultats immédiats et définitifs», se pratique «sous anesthésie locale» et ne nécessite pas «un long repos post-opératoire». Cette vision n'est pas partagée par la Société brésilienne de chirurgie esthétique (SBPC) qui a dénoncé «une intrusion de non-spécialistes qui cause de plus en plus de cas fatals comme celui-ci». «Beaucoup de gens vendent une illusion, une fantaisie, dépourvue de toute éthique, à des personnes fragiles attirées par de bas prix», a déclaré à l'AFP le président de la SBPC, Niveo Steffen.

L’augmentation des fessiers par injection de biopolymères, également appelée bioplastie, est une méthode contestée et jugée risquée. Le PMMA est commercialisé pour ses emplois industriels sous les noms déposés de Plexiglas ou d’Altuglas.