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«Menstrutech», éducation sexuelle, «été décomplexé» : juillet dans la vie des femmes

Un mois dans la vie des femmesdossier
L'application de suivi de cycle menstruel Clue, une fillette dans une salle de classe, la campagne d'affichage estival du collectif 52. (Clue, AFP et collectif 52.)
publié le 1er août 2018 à 7h24

Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Trente-cinquième épisode : juillet 2018. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).

Santé

Les applis de suivi des règles en question

Clue, Glow, Flo… Peut-être possédez-vous une de ces applis sur votre téléphone. Elles servent à surveiller son cycle menstruel et à mieux le connaître, grâce aux algorithmes, mais aussi à vérifier ses périodes d'ovulation ou de fertilité. On en compte aujourd'hui environ 250 et de nouvelles apparaissent régulièrement, détaille Cheek Magazine dans un article consacré à cette «Menstrutech», un terme inventé par Lucie Ronfaut, journaliste au Figaro. La preuve que la santé des femmes est davantage prise en considération, après avoir longtemps été snobée par le monde de la tech, très masculin. Se pose cependant la question de l'utilisation des données personnelles récoltées, souvent très intimes (période d'ovulation, syndrome prémenstruel, voire fréquence des rapports sexuels ou nombre de fausses couches). «Si elles sont en général anonymisées à des fins de recherche scientifique et médicale […], on ne sait toujours pas vraiment comment elles sont utilisées ni quels sont les algorithmes employés pour prédire notre cycle», relève dans sa newsletter Les Flux de Clu la blogueuse Clu. «Les données issues de ces apps sont très orientées», pointe-t-elle aussi, les utilisatrices étant toutes détentrices d'un smartphone, donc plutôt jeunes, connectées et favorisées. Des applications de suivi menstruel plus transparentes, comme Periodical, dont le code, disponible en ligne, peut être modifié librement, sont cependant en projet.

En juillet, on a décrypté un rapport sur des substances cancérogènes dans certaines protections hygiéniques, une équipe de médecins a mis au point un ovaire artificiel, qui pourrait être utilisé pour le traitement de l'infertilité, et on a appris le décès de la gynécologue Anne Cabau, lanceuse d'alerte du scandale du Distilbène, prescrit pendant des années lors des grossesses à problèmes.

Sexisme ordinaire

Festival de clichés misogynes pendant la Coupe du monde

Côté face : les Bleus sont devenus champions du monde de foot, vingt ans tout juste après leur premier sacre. Mais côté pile, c'est moins reluisant : le Mondial, qui s'est achevé en Russie le 15 juillet dernier, a, comme bien des manifestations sportives, été le prétexte à un déferlement de préjugés misogynes. Ainsi, le magazine Public a osé un article intitulé «10 trucs à ne surtout pas faire quand ton chéri et ses potes matent un match» (oui, car bien sûr, le foot est une affaire de mâles). On pouvait notamment y lire «ne pas inviter tes copines et parler de trucs de filles à côté d'eux» ; «ne pas lui demander de descendre les poubelles», et autres inepties («ne pas passer l'aspirateur, même pour déconner».) Hilarant, en effet.

Dans la même veine, la question de l'image des femmes véhiculée au cours des compétitions sportives a refait surface. D'abord lorsque l'agence Getty Images a eu le bon goût de publier un diaporama intitulé «les fans les plus sexy». Face au tollé suscité par une telle initiative, l'agence a dépublié la galerie incriminée et présenté ses excuses. Puis, peu de temps avant la fin de la compétition, c'est la Fifa elle-même qui s'est attaquée à cette question, en faisant savoir sa volonté de mettre fin aux stéréotypes véhiculés au cours de ces rassemblements. Ainsi, Federico Adiecchi, responsable de la diversité au sein de la fédération, a fait savoir le 11 juillet, qu'il souhaitait voir moins de «gros plans sur des femmes sexy» à la télévision. Dans un communiqué, la Fifa a ensuite défendu cette décision, déclarant : «Nous préférons que la couverture évite les gros plans exagérés et prolongés qui pourraient conduire à des suggestions à connotation sexuelle ou privilégiant un sexe plutôt que l'autre.» Cette décision n'a pas fait l'unanimité dans l'Hexagone, et a notamment été critiquée par l'ancienne ministre aux droits des Femmes, la socialiste Laurence Rossignol. «Bientôt un code vestimentaire pour accéder aux tribunes ?» a-t-elle questionné sur Twitter. A l'inverse, Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d'Osez le féminisme citée par LCI, estime qu'il est plutôt question «d'arrêter de traiter les femmes comme des bouts de viande». Il est temps, en effet.

Sexe, genre, corps

Un affichage sauvage pour «un été décomplexé»

Vieilles, noires, grosses, tatouées ou les cuisses ornées de cellulite : les femmes mises à l'honneur dans le métro parisien par le Collectif 52 détonnent dans le paysage publicitaire. Et pour cause : elles sont garanties sans retouche et, surtout, sans stéréotype, ce qui, à l'heure des plages et autres bikinis, se fait on ne peut plus rare. «Dès l'arrivée de l'été, la pression sur le corps des femmes atteint des sommets», fustige le collectif féministe, qui doit son nom aux 52% de la population que représentent les femmes, sur son site internet. Lancée le 16 juillet dans plusieurs rames du métro parisien, cette campagne d'affichage sauvage vise à faire entendre son ras-le-bol des «injonctions véhiculées en grande partie par la publicité» et à encourager un «été décomplexé». Objectif : «sensibiliser la RATP, qui comme les voyageuses et les voyageurs, doit subir à longueur d'années des images placardées sur les quais qui dégradent le rôle des femmes dans la société.» Et plus largement, parvenir à une «prise de conscience générale» quant à l'image véhiculée des femmes, trop souvent bien loin de leur diversité.


En juillet, Libé s'est aussi intéressé au travail de la photographe suédoise Arvida Byström, qui pare des abricots et autres fruits de lingerie pour déconstruire la représentation sexuée des corps féminins.

Violences

L’usage de la «drogue du violeur», bientôt une circonstance aggravante ?

C'est une substance, souvent glissée dans le verre de la victime sans qu'elle s'en aperçoive, qui désinhibe, endort ou entraîne des pertes de mémoire. L'usage du GHB, aussi appelée «drogue du violeur», et de ses dérivés pourrait bientôt devenir une circonstance aggravante lors d'un viol ou d'une agression sexuelle. C'est l'objet d'un amendement adopté début juillet par le Sénat lors de l'examen du projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes. Le texte sanctionne le «fait d'administrer ou de tenter d'administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes» pour abuser sexuellement d'elle. Ces faits seront punis de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, une peine aggravée s'ils sont commis sur un mineur de moins de quinze ans ou une personne vulnérable. Le projet de loi doit encore l'objet d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat pour pouvoir être adopté.

En ce mois marqué par la victoire des Bleus au Mondial, Libé a donné la parole à des victimes d'agressions sexuelles le soir de la finale (par ailleurs interrompue brièvement par des Pussy Riot sur le terrain) et décrypté une étude anglaise sur les liens entre violences conjugales et foot, des chiffres à prendre avec des pincettes. Egalement relayés, la condamnation des cyber-harceleurs de la journaliste Nadia Daam – preuve que la justice n'est pas impuissante face aux trolls sexistes –, le procès aux prud'hommes d'une affaire de harcèlement sexuel chez BNP Paribas, et un cas de harcèlement sexuel à la fac de Lyon-II entre un prof et sa doctorante. Au même moment, le Sénat adoptait le projet de loi sur les violences sexuelles, tandis qu'en Suède, la définition du viol était élargie.

Droits civiques, libertés

«Sois une femme libre» : les Marocaines défendent leur droit de s’habiller librement

Tout est parti d'un message, diffusé sur une page Facebook, incitant les hommes à interdire à «leurs femmes de sortir dans des tenues indécentes». Un appel pas vraiment bien reçu par une partie des Marocaines. Sous le hashtag «Sois une femme» ou «Sois une femme libre», elles sont nombreuses à avoir publié des photos d'elles en maillot de bain, un pied de nez aux religieux les plus conservateurs. «Ne laissez pas ces frustrés confisquer le peu de liberté qu'on vous accorde», écrit l'une d'entre elles. «Luttons contre les injonctions patriarcales et l'obscurantisme, sois une femme libre, libre de porter un maillot/un bikini ou pas, libre d'aller à la plage ou pas, libre de tes décisions et de tes choix», a défendu le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali), collectif qui défend l'instauration d'un Etat laïc au Maroc. Si le royaume est réputé pour sa tolérance, la société y reste profondément conservatrice, rappelle l'AFP. Selon une étude publiée en 2017 par l'ONU femmes, environ trois quarts des habitants estiment qu'«une femme habillée de façon provocante mérite d'être harcelée». Une loi contre les violences faites aux femmes, sanctionnant notamment le harcèlement de rue ou le harcèlement au travail, a été adoptée en février et saluée, même si loin d'être complète.

En juillet, Libé a aussi suivi la panthéonisation de Simone Veil, rendu hommage à la cofondatrice des Femen Oksana Chatchko, morte à 31 ans, retracé la carrière d'espionnes célèbres et de femmes oubliées de l'histoire, publié une tribune sur la prédominance du masculin dans la Constitution et rencontré Virginie Despentes à l'occasion du festival d'Avignon.

Travail

En Nouvelle-Zélande, un congé pour les victimes de violences conjugales

Du temps, pour effectuer les démarches nécessaires à leur reconstruction : c'est ce que le Parlement néo-zélandais souhaite accorder aux victimes de violences conjugales. Un projet de loi voté le 25 juillet prévoit ainsi la création d'un congé de dix jours, comme l'expérimentaient déjà plusieurs entreprises locales. «Les dispositions actuelles sur les congés ne suffisent pas pour permettre aux victimes de mener une action en justice, trouver une nouvelle maison ou s'occuper de leurs enfants victimes de traumatismes», a déclaré la députée du Parti vert Jan Logie devant le Parlement. Et de poursuivre : «Il faut permettre des conditions de travail flexibles, des congés supplémentaires et protéger les victimes de discriminations.» Malgré l'opposition des partis de droite, inquiets du coût d'une telle mesure, le texte a été adopté par 63 voix contre 57.

Vie privée, famille

LREM précise sa position sur la PMA pour toutes

C'est une réforme très attendue, promesse de campagne du candidat Macron : l'ouverture de la procréation médicalement assistée, actuellement réservée aux couples hétérosexuels, à toutes les femmes, quel que soit leur statut marital. La mesure ne sera examinée par le Parlement qu'au cours du premier semestre 2019, mais la direction du parti a tenu à préciser sa position sur plusieurs points, le principal étant celui du remboursement intégral par la Sécurité sociale. LREM s'y est dit favorable et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a précisé qu'il y avait «peu de chances» pour que le gouvernement s'y oppose. Autre question cruciale : celle de la filiation des deux mères en cas de PMA réalisée par un couple lesbien. «On s'est positionnés en faveur de l'établissement de la filiation à la naissance de l'enfant pour les deux mères, sans distinction», a fait savoir le député de Charente Thomas Mesnier, membre de la mission d'information sur la révision auprès du magazine Têtu.

En juillet, Libé s'est aussi intéressé au burn-out parental, un phénomène sur lequel la Belgique vient de lancer une enquête internationale.

Education

Education sexuelle : la loi bientôt respectée ?

C'est prévu dans la loi depuis 2001 : les écoliers, collégiens, lycéens doivent recevoir trois fois par an des séances d'éducation sexuelle. Sauf que dans la plupart des établissements, ces cours sont assurés de manière «parcellaire, inégale, voire inadaptée à la réalité des jeunes», selon un rapport de 2016 du Haut conseil à l'égalité (HCE). Pire, dans un quart des 3 000 écoles passées au crible par le HCE, les élèves n'avaient carrément droit à aucune séance. Pour y remédier, une circulaire va être envoyée aux recteurs d'académie pour exiger qu'ils dispensent à partir de la rentrée les trois séances annuelles prévues par la loi, a annoncé en juillet la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa. Ces cours seront dispensés non pas par les professeurs, mais par des associations ayant reçu l'agrément «intervention en milieu scolaire». «On y parlerait du consentement, du respect d'autrui, des rapports entre les femmes et les hommes et de la manière dont, effectivement, ce n'est pas faire la fête que d'aller mettre une main aux fesses à une femme», a détaillé la secrétaire d'Etat, en référence aux agressions sexuelles le soir de la victoire de la France à la Coupe du monde. Là encore, rien de très nouveau : depuis 2016, les séances d'éducation sexuelle doivent en présenter une «vision égalitaire entre les femmes et les hommes». Reste à voir si les écoles respecteront, cette fois, les directives.

Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»

• «Non, on n'avorte toujours pas librement en France !» : dans une tribune publiée dans Marie Claire, le Planning familial explique pourquoi nous ne sommes pas toutes égales face au droit à l'IVG, notamment en raison du manque de professionnels dans certaines zones rurales l'été, mais pas seulement.

• Trois femmes témoignent dans une vidéo Konbini des maltraitances gynécologiques qu'elles ont vécues (insultes, humiliation, «point du mari»…). C'est à voir ici.

• Le New York Times fait le point (article en anglais) sur les revendications et les avancées de celles et ceux qui militent pour l'équité menstruelle, un sujet hautement politique alors que quatre Etats américains ont aboli la taxe sur les protections hygiéniques ces deux dernières années.

• Dans Avoir raison avec Françoise Héritier, la philosophe et historienne de la pensée féministe Geneviève Fraisse, la philosophe Elsa Dorlin ou encore l'économiste Esther Duflo reviennent sur la pensée de l'anthropologue disparue l'année dernière. Les cinq épisodes sont à retrouver sur le site de France Culture.

• La dernière saison ultra-violente de La Servante écarlate vous est restée en travers de la gorge ? Alors cet article de Slate, qui dénonce la banalisation des violences contre les femmes dans certaines séries (et par là même, la désensibilisation d'un public qui finit par se délecter de voir des femmes violées et trucidées), pourrait vous intéresser.

• Sur Slate toujours, la journaliste Aude Lorriaux dresse le bilan d'une enquête menée sur les biais discriminatoires dans l'accueil médical d'urgence. Elle montre que le cas de Naomi Musenga, cette jeune femme noire morte fin 2017 après plusieurs appels au Samu, n'est pas isolé, et que les moqueries ou propos dégradants (grossophobie, sexisme, racisme…) sont fréquents.

• Guillemette Leneveu, directrice générale de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), Titiou Lecoq, journaliste notamment pour Libération, et Antoine Math, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales débattent sur France Inter du congé paternité et parental. L'émission est à réécouter ici. Bon été !