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Libération

Allemagne : une ex-esclave de l’EI aurait croisé son bourreau

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publié le 17 août 2018 à 20h46

Une jeune yézidie, Ashwaq Haji, affirme avoir rencontré en février son bourreau dans un supermarché allemand. Traumatisée, cette Irakienne est retournée dans son pays qu’elle avait pourtant fui après s’être échappée de la maison du jihadiste qui l’avait réduite à l’état d’esclave sexuelle.

Enlevée le 3 août 2014, Ashwaq Haji est parvenue à s'enfuir de la maison d'un jihadiste irakien qui se faisait appeler Abou Houmam. Cet homme l'avait achetée «pour 100 dollars», raconte-t-elle à l'AFP.

La mère et le petit frère d'Ashwaq ont eux aussi été captifs. Mais en 2015, tous les trois se sont exilés à Schwäbisch Gmünd, une bourgade à 50 km de Stuttgart. Le père est resté en Irak. Ashwaq suivait des cours d'allemand et voulait trouver un travail. Le 21 février, elle aurait aperçu, dans un supermarché, un homme descendre d'une voiture et l'appeler par son nom avant de s'adresser à elle en allemand. «Il m'a dit qu'il était Abou Houmam, je lui ai dit que je ne le connaissais pas et il s'est mis à me parler en arabe», dit-elle. «Il m'a dit : "Ne me mens pas, je sais qui tu es et que tu vis en Allemagne", il m'a même donné mon adresse et d'autres détails de notre vie.» Aussitôt, la jeune fille contacte la police. «Ils m'ont dit que c'était un réfugié comme moi en Allemagne et m'ont donné un numéro à appeler si jamais il s'en prenait à moi.» La police judiciaire du Bade-Wurtemberg a indiqué avoir «ouvert une enquête le 13 mars», ajoutant toutefois qu'elle ne pouvait «se poursuivre pour le moment, la témoin [Ashwaq, ndlr] n'étant pas joignable pour répondre aux questions».

Le parquet fédéral s'est «penché sur le sujet», confirme à l'AFP un porte-parole. «Mais nous n'avons pas pu identifier avec certitude l'auteur présumé.» Le parquet allemand a ouvert de nombreuses enquêtes pour terrorisme, crime contre l'humanité ou crime de guerre contre des réfugiés ou des demandeurs d'asile soupçonnés d'être impliqués dans des exactions commises par des jihadistes. Ashwaq affirme à l'AFP avoir visionné les images de vidéosurveillance du supermarché, et dit être prête à communiquer ses coordonnées mais qu'elle ne se rendra plus en Allemagne.

En Irak, elle vit dans la peur car Abou Houmam aurait de la famille à Bagdad. Depuis le camp de déplacés où il est installé dans le Kurdistan irakien, son père avoue avoir eu du mal à laisser son épouse et ses enfants rentrer, après trois années de règne jihadiste, en Irak : «Quand sa mère m'a dit qu'elle avait vu ce jihadiste […], je leur ai dit de revenir, l'Allemagne n'étant visiblement plus un lieu sûr.» Mais la vie n'est toujours pas simple pour Ashwaq, comme pour les 3 315 yézidis qui ont réussi à s'échapper de l'emprise des jihadistes. Et ils sont tout aussi nombreux à être captifs ou portés disparus, selon les chiffres officiels. La psychologue Sara Samouqi, qui suit nombre de yézidis, prévient : «Tous les survivants ont des volcans en eux, prêts à exploser.»