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Des facs américaines servent de banc d'essai à l’assistant vocal d’Amazon

Une université du Missouri vient d’équiper ses 2 300 chambres d’étudiants de l'enceinte connectée Echo Dot, configurée pour répondre aux questions liées à leur scolarité. Depuis un an, la multinationale travaille à prendre pied dans l'enseignement supérieur.
A la rentrée, des assistants vocaux Amazon seront distribués, sans option de retrait, aux étudiants de l'université de Saint Louis dans le Missouri. (Photo David Becker. AFP)
publié le 17 août 2018 à 12h05

A la rentrée, les étudiants de l’université privée de Saint-Louis dans le Missouri, aux Etats-Unis, trouveront dans leur chambre le dernier assistant vocal d’Amazon. Baptisée Echo, l’enceinte est capable, tout comme Google Home ou le HomePod d’Apple, de répondre aux questions et commandes des utilisateurs. La fac a choisi Echo Dot, déclinaison moins coûteuse au design simple, après une phase de test auprès d’étudiants au printemps. En France, l’assistant vocal, lancé sur le marché en juin dernier, est commercialisé à une cinquantaine d’euros. D’ici fin août, les 2 300 chambres du campus de Saint-Louis seront toutes équipées d’une enceinte connectée aux couleurs de l’établissement, configurée pour répondre aux questions des étudiants liées à leur scolarité.

Sur la vidéo de l'université présentant le dispositif, on suit un étudiant accompagné dans les étapes de sa vie universitaire par Alexa, la voix de l'assistant Echo (l'équivalent de Siri chez Apple). Le jeune homme lui demande aussi bien : «Alexa, quand la bibliothèque ouvre-t-elle ?» que «Alexa, où-puis je commander une pizza ?» ou encore, déballant sur son lit un cadeau reçu à Noël : «Alexa, appelle maman.»

«C'est comme si on vous imposait une caméra de surveillance dans votre chambre», s'inquiète Julie Gommes, experte en cybersécurité, qui trouve «un côté anxiogène» à cet équipement. L'enthousiasme est au contraire de mise pour le vice-président de l'université (et chargé de l'innovation), David Hakanson, cité par Numerama : «Chaque minute que nous pouvons offrir aux étudiants en leur évitant de chercher l'information dont ils ont besoin sur Internet est une minute supplémentaire qu'ils peuvent utiliser pour ce qui compte le plus : leurs études.»

Dispositif intrusif

«Il y a un risque lié à l'enregistrement. Amazon, Google, Apple, tous vous disent : "Oui, ces bornes peuvent vous écouter, mais non, on ne va pas vous espionner", développe Julie Gommes. Or ce sont des entreprises très difficiles d'accès : on ne sait pas vraiment comment elles exploitent ces données. Et vous leur donnez le droit de vous écouter en continu…» Comme ses concurrentes, Echo fonctionne par reconnaissance d'un mot-clé, déclenchant le traitement de la conversation dans le cloud d'Amazon.

L'entreprise assure que les assistants vocaux ne seront pas associés à un compte personnel d'étudiant, et l'université avance que le stockage sera opéré sur ses serveurs. Julie Gommes se dit sceptique : «Un serveur interne est cher à mettre en place. C'est sans doute un serveur Amazon privé. Mais qui reste hébergé chez Amazon, donc on ne sait pas comment ils le gèrent. Il faut aussi se poser la question de l'utilisation des données prévue par l'université elle-même dans ce partenariat.»

Au-delà du flou autour de la récolte de données, «il y a aussi le risque de sécurité, lié à la vulnérabilité des appareils, et aux possibilités de piratage». Le 12 août, lors de leur convention annuelle à Las Vegas, des hackeurs ont montré comment ils étaient parvenus à prendre le contrôle d'Echo, diffusant n'importe quel son et enregistrant tous ceux captés par le microphone, avant de signaler la faille à la multinationale.

Cible marketing de choix

A tous les étudiants qui feront leur rentrée à la fin de ce mois d’août, il n’est pas demandé au préalable s’ils souhaitent ou non participer au dispositif, et aucune option de retrait, ou clause de refus, n’est prévue. Ils ont (heureusement) toujours le choix de débrancher l’enceinte. Reste que les étudiants sont une cible marketing de choix, et seront ainsi familiarisés avec les produits Amazon plutôt qu’avec ceux des concurrents.

Surtout, il est intéressant pour l'entreprise d'établir des profils publicitaires pour cette catégorie d'âge. «L'étudiant qui a besoin de bouquins demandera directement à Amazon de les lui commander, commente Julie Gommes. C'est aussi un public qui se fait beaucoup livrer des repas», et cela tombe bien : «Amazon est en train d'ouvrir des épiceries, et s'est récemment lancé dans la livraison de repas à domicile !»

Deux tests similaires ont déjà été réalisés dans d'autres universités. En août 2017, à l'Arizona State University (ASU), publique cette fois, 1 600 élèves ingénieurs de première année ont vu apparaître Echo dans leurs espaces de travail, marquant le premier partenariat de ce genre entre Amazon et l'enseignement supérieur. En avril, à la Northeastern University de Boston, l'assistant vocal, muni d'un programme nommé «Husky Helper» (en référence au chien mascotte de l'université), a été testé auprès de 60 étudiants. L'université s'est réjouie d'une baisse de 80 % des appels au standard du campus de la part des étudiants concernés par l'initiative, relate le site spécialisé Digital Trends. Elle prévoit désormais d'étendre ce programme à ses 18 000 étudiants.