La CGTN, l'antenne internationale de la chaîne du gouvernement chinois CCTV, a publié ce lundi sur YouTube une vidéo teintée d'ironie remerciant le président américain, Donald Trump, de permettre à la Chine de devenir un pays plus sain. On y voit en effet la présentatrice Cheng Lei vanter les mérites de la guerre commerciale entre les deux parties et se féliciter de ses bienfaits pour la santé des Chinois : désormais, «le bacon et le bourbon américains» ne seront plus exportés vers la Chine. La vidéo a été retirée quelques heures avant la reprise des négociations entre les deux pays. Mais cela montre que les vacances sont terminées et que Pékin est désormais déterminé à sortir de sa léthargie estivale.
Si la traditionnelle retraite des principaux dirigeants chinois à Beidaihe, la résidence d'été du président Xi Jinping, a été dominée par la surenchère des droits de douane avec les Etats-Unis, la Chine n'a que très peu attaqué le président américain cet été. Les organes de presse ont même été sommés de rester discrets sur l'affaire et de ne pas «citer» l'expression de «guerre commerciale», histoire de ne pas attiser la polémique.
Comme attendu, les Etats-Unis ont néanmoins mis en place jeudi des droits de douane de 25 % sur 16 milliards de dollars de marchandises chinoises (semi-conducteurs, plastiques, produits chimiques, équipements ferroviaires, etc.), après une première salve de taxes américaines sur 34 milliards de dollars d’exportations chinoises en juillet. Ces mesures initiées par Washington, qui prendront effet le mois prochain, ont pour but de combler un déficit commercial abyssal avec Pékin. Un déficit qui s’est encore creusé en juillet, à hauteur de 375 milliards de dollars en rythme annuel, avant que les mesures de rétorsion n’aient pu avoir un quelconque effet. Adepte de la loi du talion, Pékin a répliqué jeudi midi heure locale en imposant une hausse des tarifs douaniers portant sur les mêmes montants. Dans le collimateur des autorités chinoises : 333 catégories de produits américains, dont le charbon, le carburant, les autocars ou encore le matériel médical.
«Très technique»
«La Chine n'a pas d'autre alternative que de prendre des contre-mesures, a justifié le ministère chinois des Finances. Dans le même temps, pour protéger le libre-échange et les systèmes multilatéraux, et défendre ses propres intérêts légitimes, la Chine intentera une action concernant ces mesures tarifaires dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce.» Mais cette stratégie risque d'être vaine pour Pékin, qui n'importe que 130 milliards de dollars de biens alors qu'elle en exporte 505 milliards aux Etats-Unis. Des estimations évaluent à 0,2 % l'impact sur la croissance chinoise en 2018, davantage l'an prochain.
Une délégation chinoise, conduite par le vice-ministre du Commerce Wang Shouwen, est actuellement à Washington pour rencontrer le sous-secrétaire américain au Trésor chargé des affaires internationales, David Malpass, et tenter de désamorcer le conflit. C'est la première rencontre bilatérale depuis le 3 juin. Le président Trump a déjà prévenu ne pas en attendre «grand-chose». Une observation partagée par Iris Pang, économiste d'ING Bank à Hongkong : «Wang Shouwen est chargé de superviser les régulations à l'OMC : ce seront essentiellement des discussions d'ordre très technique.»
D'autant que, parallèlement, Washington est en train de préparer une nouvelle liste de produits chinois à surtaxer pour un montant, cette fois, de 200 milliards de dollars. Et que Trump a menacé d'imposer des droits de douane sur l'intégralité des 505 milliards de dollars de produits «made in China» exportés aux Etats-Unis.
De quoi relativiser l'optimisme du ministère chinois des Affaires étrangères, qui veut croire «que les deux parties pourront s'asseoir calmement, avec pragmatisme, et travailler dur pour parvenir à de bons résultats fondés sur l'égalité et la confiance». On en est loin. Donald Trump ne cesse de fustiger le contournement des droits sur la propriété intellectuelle, les subventions industrielles et surtout la politique de dévaluation compétitive du yuan, qui a encore chuté de 7 % entre juin et août. Une «manipulation» qui «mine la compétitivité» des Etats-Unis, accuse Trump.
«Substitution»
Mais la dépréciation de la monnaie chinoise peut présenter un risque : «Une dévaluation peut avoir un léger effet bénéfique mais, à terme, Pékin pourrait voir les Etats-Unis se tourner vers d'autres pays asiatiques et trouver des produits de substitution, même si le phénomène ne devrait pas se produire à une grande échelle», prévient Iris Pang. La Banque centrale chinoise a ainsi relevé mardi le taux du yuan. Un geste pour calmer le jeu et le locataire de la Maison Blanche, qui multiplie les annonces protectionnistes histoire de satisfaire une partie de son électorat à l'approche des élections de mi-mandat, à novembre ? Des observateurs l'assurent : fragilisé par les revers judiciaires de deux proches,Trump pourrait opter pour une approche plus soft avec Pékin…