Quelle leçon tirer de deux cas - supposés - d’agression féminine sur des hommes, en regard des dizaines de milliers d’abus masculins révélés par le mouvement #MeToo ? Difficile de raisonner sur des affaires qui tiennent plus du mouton à cinq pattes, ou du merle blanc, que de la réciproque statistique. Fausse fenêtre, ou plutôt vasistas en toc… Pourtant, les deux mésaventures d’Asia Argento et d’Avital Ronell, l’actrice et l’universitaire, appellent commentaire, sinon examen de conscience. Les avocats des deux femmes accusées, l’une d’agression, l’autre de harcèlement, en appellent à juste titre au scrupuleux respect de la présomption d’innocence. Fort bien. Est-on sûr, du coup, que les mêmes précautions aient toujours été prises pour les hommes mis en cause publiquement à la suite de l’affaire Weinstein ? En général, oui, dira-t-on. Au demeurant, les condamnations judiciaires, à ce jour, restent rarissimes. Mais toute exception pose - ou poserait - problème. De même la réaction d’une pléiade d’universitaires solidaires d’Avital Ronell affaiblit la cause : on y trouve le florilège des arguments les plus contestables employés à l’époque par les adversaires de #MeToo, et légitimement tournés en ridicule. Comment peut-on attaquer quelqu’un d’aussi éminent ? D’ailleurs, la victime est louche. Et puis l’intéressé pouvait changer d’université, etc. Quand une institution est attaquée, serait-elle hautement intellectuelle et féministe, la mauvaise foi n’est jamais loin.
La révolution #MeToo en sort-elle affaiblie ? Au bout du compte, non. Tout comme les hommes mis en cause précédemment, les deux accusées doivent maintenant se défendre pied à pied. Avital Ronell a déjà été sanctionnée ; Asia Argento dément tout délit et personne ne peut affirmer, sans crainte d’être désavoué, qu’elle est coupable. Elle est néanmoins atteinte et sa réputation au moins écornée. Ce qui tend à prouver une certaine cohérence : quel que soit le genre ou la position des personnes concernées, le «deux poids, deux mesures» a été évité. Autrement dit, l’accusation d’abus de pouvoir en matière sexuelle entraîne investigation et, le cas échéant, sanction morale ou légale. Petite mais utile leçon d’universalisme…