«C'est une honte. Ils peuvent m'arrêter mais ils n'arrêteront pas le changement.» En meeting samedi soir dans le nord de l'Italie, le leader d'extrême droite et ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, a durement réagi à sa mise sous enquête par le parquet d'Agrigente. Pour avoir interdit pendant près d'une semaine à 150 migrants de débarquer dans le port de Catane alors qu'ils se trouvaient à bord du Diciotti, un navire des gardes-côtes italiens qui les avaient recueillis à proximité de Lampedusa, Salvini a en effet appris samedi qu'il était suspecté de «séquestration de personnes, arrestations illégales et abus de pouvoir».
En clair, Matteo Salvini et son chef de cabinet sont accusés d'avoir outrepassé leurs attributions et violé la loi. Les normes sur l'immigration prévoient en particulier qu'aucune décision ne peut être prise à l'encontre d'une personne avant que celle-ci n'ait été identifiée et mise dans les conditions de pouvoir déposer éventuellement une demande d'asile ou de protection humanitaire. Or sur le Diciotti figuraient de nombreux Erythréens ainsi que des Syriens, tous expéditivement jugés «illégaux» par Matteo Salvini.
Concrètement, la procédure judiciaire a peu de chances d'aboutir. L'éventuel renvoi devant la justice du ministre nécessite en effet une improbable levée de son immunité parlementaire au Sénat. «Matteo Salvini ne cherchait que cela […] : se retrouver sous enquête est ce qu'il désirait», s'inquiète l'éditorialiste du quotidien la Stampa.
Ce qui est sûr, c'est que l'autorisation donnée par le ministre de l'Intérieur pour faire finalement débarquer dans la nuit de samedi à dimanche les migrants du Diciotti est passée au second plan. C'est un appel téléphonique du vice-premier ministre, Luigi Di Maio, du Mouvement Cinq Etoiles (M5S), à son homologue de la Ligue qui aurait permis de débloquer la situation : «Matteo, ça suffit, trouve une solution. Je ne tiens plus mes troupes.»
Si Di Maio soutient pleinement la ligne dure de Salvini, une partie des responsables du M5S, dont le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, critiquent la politique intransigeante du leader d'extrême droite. Après l'annonce de l'Albanie (rejointe par l'Irlande) que Tirana était prêt à accueillir 20 migrants du bateau, Salvini a donc donné son feu vert, glissant au passage : «Je remercie le gouvernement albanais qui s'est montré plus sérieux que le gouvernement français.»
Les autres passagers du Diciotti seront hébergés par l'Eglise catholique. Selon la presse italienne, le pape aurait même été disposé à les accueillir sur le territoire du Vatican mais ils seront finalement répartis dans les diocèses italiens. «L'Eglise ouvrira les portes, le cœur et le portefeuille», a résumé Salvini, qui continue de défier l'UE : «C'est l'Europe qui a besoin de l'Italie et non l'inverse.»