Nommé depuis fin juin au poste inédit de «représentant personnel du président de la République, ambassadeur pour la Syrie», François Sénémaud a inauguré sa prise de fonction lundi lors du discours d'Emmanuel Macron devant la Conférence annuelle des ambassadeurs de France. Le Président a longuement évoqué les enjeux du lourd dossier syrien, dont le diplomate de 61 ans a désormais la charge. Ses propos particulièrement durs vis-à-vis du régime de Bachar al-Assad, qui «a tué son propre peuple» et dont le maintien serait «une erreur funeste», lèvent le soupçon de rapprochement avec Damas qui pesait sur la mission de son nouvel ambassadeur.
«Plus de poids»
Depuis la fermeture de l'ambassade de France à Damas en 2012, le dossier est piloté depuis le Quai d'Orsay par un «ambassadeur pour la Syrie», poste occupé successivement par Eric Chevallier puis Frank Gellet en 2014. «Le terme de représentant personnel donne plus de poids à ce diplomate qui sera en lien direct avec le Président sur le dossier», souligne Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'étude sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (Iremmo). «C'est une façon pour Macron de montrer qu'il veut s'impliquer davantage en Syrie, après que la France et l'Europe ont pratiquement abandonné le dossier ces dernières années à la Russie, l'Iran et la Turquie», ajoute l'experte. Depuis qu'il a marqué l'année dernière sa volonté de rupture avec la politique de ses prédécesseurs en Syrie, en affirmant qu'il ne faisait plus du départ d'Al-Assad un préalable, on guettait les pas de Macron en direction de Damas. Ceux-là se faisaient nécessairement via Moscou et Téhéran. Surtout que du côté de Washington, Macron n'a eu aucune écoute de la part de Trump sur le sujet – comme sur d'autres, d'ailleurs. Les Etats-Unis ne cessent de confirmer leur désengagement du terrain comme du dossier syrien, surtout depuis que l'Etat islamique a été évincé de l'essentiel des territoires qu'il contrôlait.
«Diplomate chevronné»
Le choix de Sénémaud, ambassadeur de France en poste à Téhéran depuis 2016, et sa nomination au même titre que son homologue russe Alexandre Lavrentiev, «envoyé spécial du président Poutine pour la Syrie», devaient marquer la volonté de la France de revenir dans le jeu face aux deux pays qui sont les maîtres du terrain. Ancien directeur du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 2012 à 2016, le nouvel ambassadeur a le profil parfait pour incarner une «inflexion», selon les mots des diplomates, de la politique française en Syrie. «Un changement de cap» salué par les médias russes et iraniens, qui voit la France «revenir sur ses erreurs et son alignement sur Washington», selon l'analyse du site Iran Project. Car Sénémaud n'a pas attendu la date officielle de son entrée en fonction pour se saisir du dossier syrien. Il s'est rendu dès fin juillet à Téhéran et à Moscou pour en parler. «L'avantage de ce diplomate chevronné est qu'il connaît bien les dossiers de la région et surtout les interlocuteurs, souligne Agnès Levallois à propos de celui qui a été en poste à Amman et à Beyrouth dans les années 90. Il a été très dynamique comme ambassadeur à Téhéran pour établir le dialogue dans tous les domaines.»
Mais quels que soient les talents du diplomate qu'il a nommé, la marge de manœuvre de Macron reste très limitée sur le dossier syrien. «Face aux poids lourds présents sur le territoire syrien, la France ou l'Europe n'ont pas de moyens politiques ou militaires pour peser», note Agnès Levallois. Quant à l'argument économique sur la reconstruction de la Syrie qui pourrait tenter les Européens, Macron a affiché sa réticence à rentrer dans le plan que promeut aujourd'hui Poutine. «Nous voyons bien ceux qui voudraient, une fois la guerre contre Daech achevée, faciliter un retour à la normale : Bachar al-Assad resterait au pouvoir, les réfugiés […] retourneraient là-bas et l'Europe et quelques autres reconstruiraient», a déclaré le chef de l'Etat au cours de son discours annuel face aux ambassadeurs de France.