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Libération
«Libé» des océans

Eric Coquerel : «Planifions et orientons-nous vers une utilisation écologique des ressources»

Le député LFI Eric Coquerel, dans son «plan mer», propose entre autres de créer des centrales marines et de nationaliser le secteur.
Avec ses 91 turbines, le parc éolien situé au large des côtes de Norfolk et de Lincolnshire, au Royaume-Uni, est le cinquième plus grand au monde. (Photo Lawson. Pa Wire. ABC. Andia)
publié le 30 août 2018 à 20h24

Député La France insoumise de Seine-Saint-Denis et proche de Jean-Luc Mélenchon, Eric Coquerel milite pour un Etat impliqué dans la «conquête» océanique pour protéger l'environnement et ne pas le laisser aux «marchés».

Dans votre programme, vous faites le constat que «la mer et ses ressources sont en danger»mais, dans le même temps, vous proposez un «plan mer». N’est-ce pas contradictoire ?

Je ne crois pas. La population ne cesse d’augmenter. Il est donc inimaginable que 70 % de la surface terrestre ne soit pas davantage utilisée, notamment en termes de nourriture et d’énergie. Les ressources maritimes, y compris celles que nous ne connaissons pas, seront quoi qu’il arrive utilisées. Or, si l’on considère, comme nous, que les océans sont un bien commun et une nouvelle frontière de l’humanité, alors on ne peut pas les laisser à la merci du tout marché et du profit. Il faut avoir une vision écologique, de protection de ces espaces-là. La France est le deuxième espace maritime au monde. Nous avons donc à la fois un énorme potentiel et une responsabilité première. Si nous le laissons au marché et sa logique capitaliste, alors les mers seront saccagées. Planifions et orientons-nous au contraire vers une utilisation écologique de ces ressources.

Comment ?

La France a une chance : elle est présente sur tous les océans. Pour préserver les ressources halieutiques, nous proposons donc de développer la pêche artisanale et d’empêcher le chalutage de grands fonds. Pour un transport maritime responsable, nous militons pour le développement du gaz naturel liquide voire de la propulsion vélique ou la promotion de bateaux battant pavillon français pour lutter contre le dumping social y compris par des mesures protectionnistes. La mer subit déjà très largement les conséquences du réchauffement climatique. On peut orienter l’activité maritime dans une direction écologiquement soutenable. Cela permettra aussi de créer beaucoup d’emplois.

A chaque fois que l’être humain s’est engagé dans une nouvelle conquête, il n’a pas vraiment été soucieux de l’environnement… Ne faut-il pas tout simplement préserver les océans ?

Il ne faut pas entendre le mot «conquête» au sens guerrier. L’utilisation des ressources maritimes est de toute façon indispensable. La question est donc de savoir comment les utiliser. Nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle : le nombre de personnes qui vivent sur les littoraux, concernées par l’augmentation du niveau de la mer, nous obligent à agir. Préparons-nous à ce défi plutôt que d’attendre et le subir. Cela n’est possible qu’à partir du moment où l’Etat instaure une planification écologique.

Certains écologistes critiquent cette vision «planificatrice»… Vous comprenez leurs inquiétudes ?

Ce que nous proposons, ce n’est pas le gosplan… Je préfère un acteur solide, l’Etat, avec le souci de l’intérêt général plutôt que de laisser le marché – même «vert» – s’en occuper. On sait ce que donne le capitalisme en la matière : privatisations, bétonnage des côtes, rentabilité, pollution, dumping social… Les intérêts financiers n’ont pas à commander. On ne peut pas aborder cette nouvelle question maritime sans l’intervention de l’Etat. Avoir moins de camions sur nos routes et développer le transport fluvial adossé à un fret ferroviaire demande des décisions stratégiques en termes d’aménagement du territoire… donc de l’Etat.

En mer, nous ne sommes pas seuls. Par quelles instances de régulation, cela doit-il passer ? L’ONU ? L’Europe ?

Nous sommes pour une législation internationale instaurant le principe «pollueur-payeur» à l’échelle mondiale et un grand plan international de dépollution des océans. Nous devons être capables de faire, pour les eaux internationales, ce qui a été possible au niveau de l’Antarctique : si nous considérons que les océans sont un bien commun, alors nous devons définir des règles internationales. Les traités européens actuels poussent, eux, à des logiques de dumping social et fiscal néfastes pour l’environnement. Par ailleurs, si la France est la deuxième puissance maritime mondiale, c’est grâce à ses départements et territoires d’outre-mer. Faisons en sorte qu’ils puissent nouer des politiques avec les puissances régionales voisines.

En quoi remplacer des centrales terrestres par des centrales marines, comme vous le proposez, sera meilleur pour l’environnement ?

Déjà pParce qu'elles n'utilisent ni énergie nucléaire, ni carbone.

Mais elles ont un impact…

Cela demande à être prouvé. Des recherches effectuées dans les pays nordiques sur l’éolien posé en mer démontrent, par exemple, la création de nouveaux récifs coralliens. Il est tout à fait possible d’en faire des espaces de régénération et de préservation des espèces marines ou au moins œuvrer à la planification de l’usage maritime. En mettant le paquet sur l’investissement, on peut remplacer le nucléaire par les seules énergies marines renouvelables (EMR).

Pourquoi en passer par des «nationalisations» du secteur ?

Parce que les décisions en la matière ne peuvent se prendre en fonction du court-termisme et de l’intérêt des actionnaires mais de celui des citoyens. Le bon exemple – même si nous sommes contre cette énergie – est ce qui s’est fait dans le secteur du nucléaire : avoir des entreprises nationales a permis de garder un prix pour l’électricité bien moins cher que dans les pays où le secteur a été privatisé.

Vous proposez aussi de «développer l’usage des algues comme substitut du pétrole» ? Est-ce réaliste ?

La culture des algues existe déjà en France, notamment en Bretagne.

Il s’agit là d’une petite entreprise. Quelle place ces sociétés auraient-elles dans votre planification ?

Les petites entreprises innovantes, qui réalisent des produits allant dans le sens des commandes de l'Etat pour réussir la transition énergétique, auront droit à des subventions pour encourager ces activités. Encore une fois, ce que nous proposons n'est pas le gosplan. La planification à la française n'a pas fait disparaître le marché ! Elle l'a en revanche régulé, contraint en plaçant des secteurs entiers de la société, ceux correspondant aux biens communs, hors de son emprise.