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Libération
Making-of

La carte et le «merritoire»

Les océans au centre du monde (projection de Spilhaus). (Clara Dealberto)
publié le 30 août 2018 à 18h06

Raconter un jour la vie des océans, aux côtés de ceux qui les traversent, les exploitent ou les observent. Les placer au centre de l'information pendant vingt-quatre heures et renvoyer les terriens à leurs trépidations. L'idée a émergé au lendemain de la publication du Libé des animaux. Après avoir consacré un journal entier à l'actualité des bêtes, c'est à l'appel de la mer que nous avons cette fois tenté de répondre. Un territoire - ou plutôt un «merritoire» - dont la carte reproduite ci-dessus montre l'étendue : il occupe 71 % de la surface de la planète, produit la moitié de notre oxygène. Longtemps matière de nos rêves, l'océan est devenu un objet journalistique passionnant. La Terre brûle, vient de nous dire Hulot en démissionnant, les océans aussi. Il n'est quasiment pas de jour où il ne gronde ou murmure de ses nouvelles sur le fil AFP. Le plus souvent, elles ne sont pas bonnes. Le 15 août, une étude publiée dans Nature faisait pour la première fois le lien entre les canicules marines qui se multiplient et le réchauffement climatique créé par l'activité humaine. Le 21 août, des pluies torrentielles tuaient plus de 450 personnes en Inde. En cause, encore : la hausse de la température des océans. C'est à une autre de ces conséquences, moins connue, que nous consacrons notre Evénement : l'acidification des océans. Au large de l'île japonaise de Shikine-jima, notre reporter a plongé avec des biologistes anglais dans une source sous-marine qui libère du CO2.

Au début on croirait nager «dans des bulles de champagne», mais arrivé à la concentration carbonée qu'auront les océans à la fin du siècle, on a l'impression d'évoluer dans les eaux mortes d'un port. Nous avons aussi sondé les abysses et leurs créatures : 80 % nous restent inconnues. Mais c'est le poulpe, dont l'intelligence concurrence désormais celle du dauphin, qui occupe notre espace «merrien du jour» : il est capable de sortir d'un bocal en dévissant le couvercle de l'intérieur. Au fil des sujets, l'océan se politise. Avec l'outre-mer, la France dispose du deuxième plus grand domaine maritime, et cela provoque un schisme à gauche : les insoumis projettent de l'exploiter en nationalisant les futures centrales marémotrices, alors que les écologistes veulent le sanctuariser. Leina Sato, la jeune apnéiste portraiturée en «der», a elle aussi fini par toucher le fond du problème : e n septembre, elle part en Islande militer contre la chasse au rorqual. Le nageur Benoît Lecomte, est, lui, en train de traverser à la nage le Pacifique pour alerter sur les déchets plastiques qu'il croise entre deux eaux. Pour les océans, le temps de l'innocence est révolu. A nous d'agir.