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Libération

La guerre de la Saint-Jacques n’aura peut-être pas lieu

publié le 6 septembre 2018 à 21h06

Le cessez-le-feu est officiel, mais l'armistice ne devrait être signé qu'après une ultime réunion vendredi à Paris. La guerre de la coquille Saint-Jacques, engagée lors d'un spectaculaire corps-à-corps maritime en baie de Seine le 28 août, pourrait trouver son épilogue pacifique une fois finalisés les détails d'un accord entre les pêcheurs britanniques et français. Professionnels de la pêche et fonctionnaires des ministères concernés devraient confirmer «l'accord de principe» trouvé mercredi après une longue réunion à Londres, en présence du ministre français de l'Agriculture et de la Pêche, Stéphane Travert. Des «regrets» ont été exprimés, les deux camps ont démontré de la «bonne volonté».

Les mêmes participants à la réunion se retrouvent ce vendredi à Paris pour définir précisément les «compensations raisonnables» qui seront accordées aux pêcheurs britanniques propriétaires de bateaux de moins de 15 mètres. Ces compensations ne seront pas forcément financières mais elles pourraient plutôt se traduire par un «transfert d'opportunités de pêche», indiquait-on de source proche des négociations.Le représentant de l'industrie britannique de la coquille Saint-Jacques, Jim Portus, était «ravi que nous ayons négocié un accord satisfaisant l'honneur des pêcheurs des deux côtés».

Les protagonistes ont décidé d’oublier la brutalité de leurs échanges. Dans la nuit du 28 au 29 août, une trentaine de chalutiers français avaient tenté d’empêcher cinq bateaux britanniques de pêcher la Saint-Jacques en baie de Seine. Plusieurs chalutiers ont joué à la voiture-bélier, sans faire de blessé.

La coquille Saint-Jacques est un mets délicat depuis des années entre les pêcheurs britanniques et français. La France a instauré une interdiction de la pêche à la coquille Saint-Jacques entre le 1er mai et le 15 octobre pour permettre la reconstitution des stocks. Les Anglais ne sont pas soumis à cette interdiction. Après une première bataille navale en 2012, les deux pays avaient trouvé un accord en 2013, renouvelé tous les ans jusqu'en 2017, autorisant les bateaux anglais de moins de 15 mètres à pêcher pendant la période d'interdiction. L'année dernière, les Français avaient refusé de renouveler l'accord, arguant que les petits chalutiers britanniques s'étaient multipliés et pêchaient l'ensemble des stocks avant l'ouverture de la pêche pour les Français. L'accord, s'il est confirmé vendredi, devrait obliger les chalutiers britanniques de toutes tailles à respecter la suspension de la pêche à la coquille entre le 1er mai et le 15 octobre.«Quelque 78 % des chalutiers britanniques font 10 mètres de long ou moins et l'un des plus gros problèmes du secteur est que les opportunités de pêche favorisent disproportionnellement les plus gros chalutiers», explique dans une analyse le professeur Christopher Huggins. «En 2016, les bateaux de plus de 10 mètres qui représentaient 12 % de la flotte de pêche britannique récupéraient 88 % de l'ensemble des prises des ports britanniques», ajoute-t-il. Le gouvernement britannique a expliqué en juillet «ne pas avoir l'intention de modifier la méthode d'allocation des quotas existants» et donc de favoriser les plus petits chalutiers après le Brexit.