«Le problème de l'Afrique en général, et de l'Ouganda en particulier, ce n'est pas le peuple, mais les dirigeants qui veulent rester trop longtemps au pouvoir», avait déclaré Yoweri Museveni, le président ougandais, lors de sa prestation de serment. C'était en 1986. Trente-deux ans - et deux amendements de Constitution - plus tard, l'ancien guérillero devenu chef d'Etat a rangé ses principes avec son fusil automatique. Fin politicien à l'allure de grand-père bienveillant et aux discours parsemés de traits d'humour et de références poétiques au bétail qui paissait sur les collines de sa jeunesse, «le Vieux», 74 ans, s'est taillé sur mesure un costume de despote éclairé qu'il n'a aucune intention d'ôter. Elu cinq fois, lors de scrutins entachés d'allégations de fraudes, il continue de se poser en garant de la volonté du peuple et de la paix.
Maquis
Avant son accession au pouvoir, l’Ouganda a connu son lot d’atrocités. Les régimes tyranniques et sanglants de Milton Obote (1966-1971, puis 1980-1985) et d’Idi Amin Dada (1971-1979), ont fait des centaines de milliers de morts, et donné à ce petit pays enclavé d’Afrique de l’Est une triste réputation.
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Quand Yoweri Museveni et son parti, le Mouvement national de la résistance (NRM), après cinq ans de maquis, prennent les rênes du pouvoir, le nouveau leader est perçu comme un libérateur auprès d’une population exténuée par la guerre civile, qui rêve de stabilité, de démocratie et de reprise de l’économie. Le Président troque rapidement ses idéaux socialistes pour une politique libérale qui rassure les pays occidentaux. Investissements étrangers et aide au développement affluent. De nouvelles écoles, des routes, des centres commerciaux poussent dans la capitale, une classe moyenne émerge. Non sans peine, l’armée ougandaise parvient aussi à neutraliser l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kony, qui causait le chaos dans le nord du pays, avant d’être chassée du territoire au milieu des années 2000. Et l’Ouganda s’impose comme un bon élève de la région, notamment pour sa contribution à la lutte contre le terrorisme et les islamistes shebab en Somalie, où le pays compte plusieurs milliers de soldats qui contribuent à la mission de maintien de la paix de l’Union africaine.
Corruption
Mais, en Ouganda, les bénéfices de la croissance ont surtout profité aux affaires d'une petite clique proche du pouvoir. Malgré leurs diplômes, de nombreux jeunes qui n'ont pas le bon carnet d'adresses peinent à trouver du travail, et le niveau de vie d'une majorité de la population stagne. Le régime de Museveni est marqué par une corruption et un népotisme endémiques, des violations récurrentes des droits humains et une dérive autoritaire de plus en plus difficile à cacher derrière le masque de la démocratie et du multipartisme. Lors de son discours sur l'état de la nation, dimanche, il a accusé des ONG «financées par des gouvernements étrangers» de payer des jeunes pour «brûler des pneus dans les rues, jeter des pierres», et de financer l'opposition. Le chef de l'Etat ne prête que peu d'attention aux critiques, qu'elles émanent de la société civile ougandaise ou de la communauté internationale, qui ferme souvent les yeux sur les méthodes musclées de cet allié incontournable. Au début de cette année, il a fait lever la limite d'âge pour être candidat à la présidentielle. Concrètement, cela signifie qu'il pourra se représenter en 2021 pour un nouveau mandat.