Il se sent bien isolé, le navire de la marine nationale française qui trempe au large de la Syrie. L'Auvergne, une frégate multimission, l'est d'autant plus que cette zone de la Méditerranée orientale voit croiser un nombre particulièrement élevé de bâtiments militaires russes. Vingt-cinq précisément, selon un haut gradé français. Officiellement, il s'agissait d'un «exercice» mené par la défense russe du 1er au 8 septembre. Soit peu ou prou au moment où Moscou envisageait une offensive, finalement abandonnée, sur Idblib, dernière région aux mains des rebelles syriens. A en croire l'état-major français, l'«exercice» russe s'est prolongé.
La cohabitation fragile s'est envenimée mardi, après un étrange imbroglio politico-militaire. Lundi soir, un avion de l'armée russe a été abattu au large de la Syrie. Moscou a d'abord réagi en laissant entendre que la France pourrait avoir une part de responsabilité : «Des moyens radars russes de contrôle de l'espace aérien ont enregistré des tirs de missiles depuis la frégate française Auvergne», lâche le ministère de la Défense, dans une déclaration pleine de sous-entendus. A Paris, l'état-major dément «toute implication» et tout tir de la frégate. Moscou reconnaît finalement dans la journée que la défense antiaérienne syrienne est à l'origine d'un tir ayant atteint l'avion «par erreur» alors qu'il visait les missiles largués au même moment par Israël.
Cet incident est loin d'être le premier. En avril, un avion russe avait fait une démonstration de force à proximité d'une frégate française alors positionnée dans la région. Ambiance… Mais pour la France, rester dans la zone demeure crucial : «Si on y maintient un bateau en permanence, c'est pour savoir ce qu'il s'y passe, pour pouvoir observer le renforcement russe par exemple», a détaillé l'amiral Nicolas Vaujour, mardi lors d'une conférence à la Sorbonne. Tout en reconnaissant que le voisinage n'était pas toujours simple : «Sous l'eau, il se passe beaucoup de choses en ce moment.»