Les deux camps libanais se déchirent à nouveau depuis quelques jours. Partisans du Hezbollah d'un côté et ceux du Premier ministre, Saad Hariri, de l'autre s'invectivent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Leurs responsables politiques s'accusent réciproquement de «trahison» et de «sédition». Objet de la discorde : un nom de rue. La municipalité de Ghobeiry, située dans la banlieue sud de Beyrouth et fief du mouvement chiite, vient de poser la plaque «rue du martyr Moustafa Badreddine» sur une artère menant à l'hôpital Rafic Hariri. Or, le chef militaire tué en Syrie en 2016, dont le Hezbollah veut honorer la mémoire dans son quartier natal, était justement l'un des principaux accusés de l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005, dans un attentat suicide spectaculaire au cœur de la capitale libanaise.
«Discorde»
L'affaire éclate au moment où le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui doit trancher dans le meurtre du Premier ministre, tient ses audiences de clôture à La Haye avec les arguments de la défense. Des quatre accusés, tous membres du Hezbollah et jugés in absentia, deux sont poursuivis pour planification du complot. Ils ont été, selon le procureur, en contact téléphonique direct avec Moustafa Badreddine, considéré par les enquêteurs comme le «cerveau de l'opération». Le mouvement chiite, qui dément toute implication dans l'attentat, a toujours refusé de livrer les accusés en niant la légalité du TSL, désigné comme «une mascarade» par ses responsables.
«C'est rechercher la discorde, au moment même où on veut l'éliminer», a réagi l'actuel Premier ministre, Saad Hariri, à propos de la rue portant le nom de l'un des assassins présumés de son père. Dans un communiqué, Ghobeiry a défendu sa décision, considérée comme «légale et légitime», tandis que le ministère de l'Intérieur a assuré qu'il allait réclamer le retrait des plaques.
Hashtag
En attendant, la controverse enflamme les réseaux sociaux. Le hashtag «rue du terroriste Moustafa Badreddine» des partisans de Hariri répond au hashtag «Badreddine, même ton nom les terrorise» des soutiens du Hezbollah. Les uns font valoir que c'est «Hariri le véritable martyr». Les autres surenchérissent en provocation sur la nécessité de renommer toutes les rues d'après leurs martyrs, pour remplacer les noms des «traîtres, occupants et autres colonisateurs» qui figurent sur les plaques des rues de Beyrouth. «La rue Badreddine, début du chemin vers le paradis…» lit-on dans un tweet.
La polémique qui ranime les profondes divisions dans un Liban coupé en deux va encore approfondir la crise institutionnelle dans le pays. Alors qu’il mène depuis près de quatre mois des tractations difficiles pour former un nouveau gouvernement, incluant nécessairement des membres agréés par le Hezbollah, arrivé en tête des élections législatives de mai dernier, Saad Hariri voit sa mission évoluer vers l’impossible.