«Une offensive tactique, de court terme et bien coordonnée.» L'expression, militaire, désigne une bataille virtuelle, menée sur Twitter. Le Centre américain des études sur la non-prolifération de Monterey (Etats-Unis) a analysé les messages qui niaient la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique du 7 avril à Douma, enclave rebelle de la banlieue damascène, et qui condamnaient les frappes lancées en représailles une semaine plus tard par Washington, Paris et Londres. Entre 16 % et 20 % de ces posts ont été envoyés par «un acteur étatique, très certainement la Russie», et la moitié a été écrite par des trolls qui se coordonnaient ou des «bots», des comptes automatiques, révèle l'étude américaine.
Alors que les autorités françaises, britanniques, américaines et russes s'écharpent pour déterminer les responsabilités de l'attaque du 7 avril qui a fait une soixantaine de morts selon l'Union des organisations de secours et soins médicaux, sur Twitter, trolls et robots se déchaînent dès le 8 avril. Leurs tactiques rejoignent celles de Moscou. Ils peuvent user de théories du complot en affirmant que c'est l'Etat islamique, qui n'était pourtant pas présent à Douma, qui a utilisé des armes chimiques. Ou menacent de l'imminence d'une troisième guerre mondiale si les Etats-Unis interviennent contre le régime syrien.
Parmi leurs auteurs, on trouve par exemple «@12wewvT5dWLwtyK», dont la photo de profil est celle d'une mannequin britannique. D'ordinaire, le compte poste des liens vers des sites commerciaux et des articles en russe. Inactif depuis le 7 février, il se réveille quatre jours après l'attaque, et interpelle en anglais le président américain, Donald Trump : «Mieux vaut un monde mauvais qu'une bonne guerre. Vous savez qu'il n'y a pas eu d'attaque chimique !» «Le basculement rapide de posts automatiques et commerciaux vers des discours politiques adaptés en anglais indique qu'il s'agit d'un robot», note l'étude.
Depuis le début de son intervention en Syrie, à l'automne 2015, pour sauver le régime de Bachar al-Assad, Moscou multiplie les tentatives de désinformation, selon les diplomates occidentaux. Sa stratégie n'est pas uniquement de promouvoir un discours alternatif, mais d'accumuler les versions pour faire oublier les faits. «On ne peut plus s'accorder sur les bases minimales d'une discussion. [Le ministre] Lavrov peut vous soutenir qu'une table que vous avez sous les yeux est rouge alors qu'elle est noire», expliquait alors un diplomate français.