«Avec ma femme et mon bébé, on a survécu au tsunami parce qu'on habite sur les hauteurs de Palu, près du bureau du gouverneur. Mais le tremblement de terre a détruit notre maison. Autour de nous, tout est détruit. On dort dans la rue, sur des cartons, on n'a reçu que très peu d'aide, un peu d'eau mais pas assez. On nous dit que les ONG arriveront dans deux jours. On a besoin d'abri, d'électricité, mais surtout de nourriture et d'eau», raconte par téléphone Anang, 33 ans, depuis l'île indonésienne des Célèbes. Vendredi à 18 h 02, la ville de Palu, 350 000 habitants, a été touchée par un tremblement de terre de magnitude 7,7. Quelques minutes plus tard, une vague très puissante de 1,50 m, déclenchée par un glissement de terrain sous-marin, ravageait la côte.
Lundi, le gouvernement faisait état de 844 morts et 59 000 déplacés, mais les autorités ont dit s'attendre à «plusieurs milliers de morts». Trois jours après la double catastrophe, presque aucune information ne provient de la ville de Donggala, 300 000 habitants, située plus près de l'épicentre et qui a elle aussi été atteinte par le tsunami.
Confusion. A Palu, peu à peu, les secours s'organisent pour évacuer les corps des décombres, qui sont désormais enterrés dans une fosse commune. Devant l'ampleur des dégâts, un porte-parole du gouvernement a assuré lundi matin que le président Joko Widodo, qui s'est rendu sur place dimanche, acceptait enfin l'aide internationale. «"Jokowi" est coincé, car d'un côté il a passé son temps depuis son élection à dire que l'ennemi venait de l'extérieur, notamment d'Australie en ce qui concerne la drogue. Il y a la peur que ça serve de moyen de pression diplomatique. Mais Palu a manifestement besoin d'aide extérieure cette fois», analyse un professeur d'une université indonésienne. Une décision considérée comme tardive par une partie de l'opinion publique, et qui surtout n'a pas été suivie de consignes précises pouvant permettre aux ONG internationales d'envoyer des secours.
«Pour l'instant, aucune autorisation ne nous a été formellement donnée d'intervenir», précise Médecins sur frontières, qui ne prévoit pas d'envoyer d'avion dans l'immédiat et n'a pu dépêcher qu'une équipe locale sur le lieu du séisme. Des négociations sont en cours entre les Nations unies et le gouvernement indonésien. Un des enjeux est notamment l'allégement des formalités douanières, qui permettrait aux ONG de faire entrer du matériel sur le territoire rapidement et sans payer de taxes.
En attendant, la plus grande confusion règne sur le terrain. Les magasins et les marchés étant fermés, la nourriture manque. La plus grande partie du réseau électrique est hors service, ainsi que les réseaux de télécommunication et d'eau potable. Des routes sont abîmées par les glissements de terrain, le pont de Palu détruit, ce qui rend les déplacements très difficiles. «Des endroits sont toujours inaccessibles, explique Yohanis Pakereng, chef de mission d'Action contre la faim en Indonésie. De plus, il est très difficile de se rendre sur place. Les routes sont encombrées par d'immenses bouchons dans les deux sens. Les gens vont se ravitailler dans les villes les plus proches, mais il faut désormais plus d'une journée entière pour aller à Mamuju ou Poso [130 km de Palu pour chacune des deux villes, ndlr]. La sécurité est un autre problème. Il y a beaucoup de pillages, ceux qui voudraient ramener de la nourriture ont peur de se faire attaquer sur la route. Cela dit, l'arrivée de l'armée et de la police devrait améliorer les choses rapidement.» L'effondrement des prisons locales, qui a permis à 1 200 prisonniers de se faire la belle, inquiète aussi la population.
Décombres. La pénurie d'essence vient encore compliquer l'acheminement des secours. Plus une goutte n'est disponible sur place, ce qui oblige les organisations à se rendre à Mamuju. Le matériel lourd, comme les tractopelles, indispensables pour déblayer les décombres et se porter au secours des survivants coincés dans les bâtiments, manque. L'aéroport de Palu a partiellement rouvert, mais n'accueille que les avions militaires et n'est pas en état de recevoir des gros-porteurs. Seules les organisations déjà présentes sur le terrain, comme Care ou la Croix-Rouge, qui a envoyé lundi un convoi d'aide par bateau, sont pour l'instant opérationnelles, ainsi que les forces gouvernementales.
Les Nations unies ont estimé que 191 000 personnes avaient besoin d'une aide humanitaire. Xavier Lauth, responsable de l'urgence de l'ONG Solidarités International, spécialisée dans l'eau, l'hygiène et l'assainissement précise : «Nous attendons les premières décisions du gouvernement indonésien. Mais nous n'irons que si nous sommes sûrs de servir à quelque chose. Il est hors de question d'ajouter de la présence, d'utiliser des ressources, si nous ne pouvons pas apporter une vraie valeur ajoutée.»