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Libération
Chronique «Miroir d'outre-Rhin»

Bientôt, les Allemands boiront de la bière avec modération

Chronique sur la vie, la vraie, vue d’Allemagne. Ce voisin qu’on croit connaître très bien mais qu’on comprend si mal. Au menu de cette semaine où l'Oktoberfest bat son plein, une énorme pinte de bière. Boisson nationale allemande si l'en est... mais dont la consommation décline avec constance.
Des festivaliers se disputant une bière lors de l'ouverture de la 185e Oktoberfest le 22 septembre, à Munich. (Photo Christof Stache. AFP)
publié le 2 octobre 2018 à 9h05

A Munich, la traditionnelle Oktoberfest a commencé depuis le 22 septembre, avec ses tentes bleu et blanc aux couleurs du drapeau bavarois, ses tenues alpines traditionnelles (le dirndl pour les femmes, le lederhose pour les hommes)… Et surtout, ses biergarten bondés où l'on boit de la bière par hectolitres dans des chopes trop lourdes à porter. Cependant, derrière ces images folkloriques de beuveries collectives, l'Allemagne se détourne de la bière avec une belle constance. La chose est troublante dans un pays qui a fait de cette boisson un symbole essentiel de sa culture nationale, au point d'en avoir réglementé très tôt la fabrication. Selon un décret sur la pureté de la bière datant de 1516, le Reinheitsgebot, le breuvage se compose en effet d'orge, de houblon et d'eau, tout le reste n'étant que littérature (et réglementations européennes). Si sa consommation décline, la bière reste toutefois la boisson principale des repas, des afterworks (le sacro-saint Feierabend) et des fêtes.

Les ventes de bières sans alcool en hausse

Mais les chiffres sont là. Quatrième pays consommateur de bière au monde par habitant, derrière la République tchèque, la Namibie et l'Autriche, le pays délaisse de plus en plus cette boisson. En 2017, les Allemands ont consommé 93,5 millions d'hectolitres de bière, soit une baisse de 2,5% par rapport à l'année précédente. De manière générale, depuis près de vingt ans, c'est la dégringolade : si en 2000, on consommait 126 litres de mousse par an et par habitant, aujourd'hui, c'est moins de 105 litres (contre environ 30 en France…). Bien entendu, tous les Länder ne sont pas égaux dans leur amour pour la tireuse : la Bavière et la Saxe sont de grandes consommatrices de bière tandis qu'à Berlin, comme dans n'importe quelle capitale européenne, l'on boit plus volontiers un Spritz, un verre de Rotkäppchen (méthode champenoise locale) ou un gin tonic à l'apéro. Voire une bière sans alcool : la consommation de ces dernières a beau être marginale, sa hausse est prometteuse (environ 7 litres par an et par habitant).

Dans ce qui est un désastre généralisé pour l'industrie brassicole allemande, l'année 2018 promet toutefois d'être singulière : si le parcours lamentable de la Mannschaft au Mondial et sa sortie précoce du tournoi ont fait perdre tout espoir aux brasseurs de toucher le jackpot, l'exceptionnelle vague de chaleur qui a touché le pays d'avril à septembre a fini par griser le marché. Ainsi, en 2018 en Allemagne, la canicule est plus efficace qu'une victoire en Coupe du monde pour dynamiser les ventes de bière. Cela laisse songeur.

On ne s'étonnera pas que dans la morosité générale dans laquelle baigne le pays (crise politique permanente, tensions économiques palpables), les chiffres concernant les exportations de bière ne soient pas rassurants. Hors Union européenne, elles ont reculé de 4,1 % en 2017. En Europe, où l'Allemagne domine encore le marché, ce n'est pas la décision du patron de la chaîne de pubs britanniques Wetherspoon qui va rassurer l'industrie brassicole : en juillet, ce féroce Brexiter a d'ores et déjà décidé de bannir les bières allemandes de la carte de ses quelque mille points de vente.