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«Dress code» féministe, endométriose au travail, parité dans la police : septembre dans la vie des femmes

Un mois dans la vie des femmesdossier
Lors de l'EndoMarch en mars 2018 à Paris, la mannequin Julia Lamarque, jugée trop «grosse» par une agence de mannequin parisienne, la BD «Camel Joe» de Claire Duplan et la campagne pour les droits des adolescentes de Plan International. (Crédits AFP, Instagram @julesandthecity, Éditions Rue de l'échiquier et Plan International.)
publié le 2 octobre 2018 à 7h00

Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Trente-septième épisode : septembre 2018. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).

Santé

L’endométriose, un frein dans la carrière des femmes

Comme si le plafond de verre ne suffisait pas à entraver les femmes dans leur progression professionnelle, l'endométriose apparaît comme un handicap supplémentaire aux 10% de femmes qui en sont atteintes. Face à des collègues et employeurs parfois peu compréhensifs, mais aussi peu informés sur cette maladie chronique (dont Libé parlait en mars dernier), les absences répétées liées à la douleur, à la fatigue ou encore aux opérations passent parfois mal, note la journaliste Clara Baillot dans un article publié sur Cheek Magazine.

Ces femmes se sentent alors tiraillées : doivent-elles privilégier un poste qui leur plaît, au risque de devoir s'accroupir par terre à l'abri des regards en raison de la douleur, ou conserver un travail peu épanouissant, mais assurant un emploi malgré les arrêts de travail répétés ? Dans les deux cas, la question de la progression professionnelle se pose. Certains supérieurs n'hésitent pas à annoncer ouvertement à leurs employées que malgré leurs compétences, elles ne peuvent pas aspirer à évoluer dans la hiérarchie. La double peine. Aborder la question de l'endométriose avec ses supérieurs est une étape difficile à franchir : alors qu'on parlera facilement d'un problème cardiaque par exemple, évoquer une maladie gynécologique, en lien en plus avec l'honni cycle menstruel, est jugé privé et dévalorisé. Sur cette route semée d'embûches, reste alors à ces femmes la solution du télétravail.

Sexisme ordinaire

Virginie : les tampons bannis des parloirs des prisons

La liste des interdictions pour les visiteuses venant aux parloirs des prisons de l'Etat de Virginie va s'allonger de deux objets pour le moins étonnants : les tampons hygiéniques et coupes menstruelles. Une décision des autorités pénitentiaires locales qui n'a pas manqué de consterner. Le motif invoqué ? Lutter contre le passage en contrebande de stupéfiants, que des femmes dissimuleraient dans leur vagin, relate RTL.

L'Etat n'a pas tardé à être accusé d'imposer par ce biais-là un traitement dégradant aux femmes. L'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a taxé d'«inacceptable» cette mesure. «Cette pratique n'est pas seulement intrusive, elle est discriminatoire et humiliante», a dénoncé l'organisation, évoquant une mesure qui «impose aux personnes souhaitant rendre visite à une personne incarcérée de sacrifier leur dignité et leur santé».

L'interdiction devrait entrer en vigueur dans toutes les prisons de Virginie prochainement. Les femmes venues de l'extérieur se verront donc proposer des serviettes hygiéniques à leur arrivée dans l'établissement pénitentiaire. Et bien sûr pour s'assurer du respect total de l'interdiction, des contrôles par caméra corporelle seront mis en place.

A lire aussi dans Libé, une interview de Mona Chollet, auteure d'un ouvrage sur les chasses aux sorcières, un phénomène de haine misogyne irrationnelle et une tribune d'un collectif du monde de la photographie sur le manque de femmes aux rencontres photographiques d'Arles.

Corps et sexualité

Humiliée par une agence de mannequin, elle dénonce le manque de «diversité corporelle» en France

Julia Lamarque a 25 ans, mesure 1,72 m et fait un petit 38. Elle exerce au Canada et aux Etats-Unis en tant que mannequin «in between», c'est-à-dire pas estampillée «grandes tailles», mais pas non plus assez mince pour le marché du mannequinat traditionnel. A la rentrée, la jeune femme a partagé sur Instagram l'expérience humiliante qu'elle a vécue dans une agence de mannequin parisienne, qui l'a jugée trop «curve» (comprendre, trop grosse) pour le public français. «Aucune Française ne peut s'identifier à ton corps», lui a-t-on répondu quand elle s'est présentée. La taille moyenne des femmes françaises est pourtant un 42, rappelle la jeune femme, dans son témoignage, relayé par plusieurs médias dont Causette et Neon et qui pointe le manque de «diversité corporelle» du milieu de la mode hexagonal.

«Tu sais, les obèses, ça marche aux États-Unis, mais pas ici», lui a même lancé une des membres de l'équipe, après lui voir lui avoir conseillé de perdre «6 centimètres de hanches, grand minimum» (soit 4 tailles). «Je ne pense pas qu'il soit possible d'effectuer un si gros changement tout en étant en bonne santé», lui a répondu Julia. «Si, si c'est possible! Regarde dans les émissions comme Koh Lanta […], ils s'affament et ils réussissent à être maigres, eux», a répliqué très sérieusement son interlocutrice. La jeune modèle a reçu des centaines de messages de soutien via les réseaux sociaux. «Je veux que toutes les petites filles grandissent dans une société bienveillante dans laquelle on ne donne pas autant d'importance à l'apparence», a-t-elle écrit quelques jours plus tard sur Instagram.

En septembre, le modèle du tableau de Courbet L'origine du monde a été identifié, tandis que l'humoriste Constance a été harcelée en ligne pour avoir montré sa poitrine sur France Inter, illustration du blocage sociétal autour des poitrines féminines.

Violences

Les adolescentes, grandes victimes des crises humanitaires

Les filles sont les grandes victimes des crises humanitaires : mariées de force, abusées, privées d'école, affamées, elles sont vulnérables, avec «14 fois plus de risque de mourir que les garçons en période de conflits», a alerté l'ONG Plan international en septembre. L'organisation a profité de l'assemblée générale de l'ONU pour présenter les conclusions de trois enquêtes menées auprès de 1 000 adolescentes rohingyas dans un camp au Bangladesh, dans le bassin du lac Tchad, ainsi qu'au Soudan du Sud.

Les adolescentes du Soudan du Sud et des camps de réfugiés d'Ouganda décrivent «un continuum de violence, devenu la norme à la maison et dans la communauté». Selon l'enquête, une adolescente sur quatre a pensé à se suicider au moins une fois dans l'année précédant l'enquête. Du côté du bassin du lac Tchad, «une adolescente sur trois ne se sent pas en sécurité chez elle, une sur cinq a été battue au cours du mois précédant l'enquête, une sur dix a été victime d'agression sexuelle…»

Cette insécurité est un frein supplémentaire à l'éducation, les jeunes filles n'osant plus emprunter le chemin de l'école, quand les agressions ne se déroulent pas au sein même de celle-ci. Une scolarité déjà compromise par les «mariages précoces et forcés». Les fillettes rohingyas en exil au Bangladesh sont également massivement privées d'éducation (72%) et racontent un quotidien similaire : faim, coups, viols, kidnapping, prostitution forcée. Une fille de 13 à 15 ans sur cinq a été mariée de force, «2,5 fois plus que les garçons».

En septembre, Libération a aussi suivi l'affaire Brett Kavanaugh, candidat de Trump à la Cour suprême accusé d'agression sexuelle. Son audition a été analysée par la spécialiste du féminisme aux Etats-Unis, Leigh Gilmore, tandis que la politologue Marie-Cécile Naves revenait sur le hashtag #WhyIDidntReport, via lequel une de ses victimes a témoigné des raisons de son silence. En Colombie, la comédienne Eileen Moreno est devenue le symbole des violences conjugales, tandis qu'en France, 88 personnalités, menées par Muriel Robin, se mobilisaient en faveur des victimes de ce fléau.

Libertés

Arabie Saoudite : «Si une femme avait le droit d’obtenir son propre passeport, nous n’aurions pas besoin d’un tribunal»

Elle avait besoin de son accord pour obtenir un passeport afin d'étudier à l'étranger, mais il refusait de faire les démarches nécessaires. La justice saoudienne a tranché en faveur d'une femme de 24 ans originaire de Jeddah, qui poursuivait son père qui refusait de lui procurer un passeport. L'affaire, rapportée en septembre par les médias locaux, a suscité de nombreuses réactions sur le système de tutelle masculine en place dans le royaume, qui oblige les femmes à obtenir la permission de leur parent masculin le plus proche pour voyager ou se marier. Le tribunal saoudien a exigé que le père obtienne un passeport pour sa fille, qu'il n'avait pas vue depuis six ans et qui vivait avec sa mère.

«Si une femme avait le droit d'obtenir son propre passeport – tout comme les hommes – nous n'aurions pas besoin d'un tribunal», pour trancher l'affaire, a réagi sur Twitter Latifah Ashaalan, membre du Conseil de la choura, un organe consultatif qui conseille le gouvernement. «Au final, le père a été obligé de demander le passeport malgré lui, a relevé une autre internaute. Pourquoi ne pas permettre aux femmes de demander leur propre passeport sans cette perte de temps et tous ces ennuis ?»

En septembre, Libé s'est aussi penché sur la difficulté d'être une femme candidate républicaine à l'ère Trump, a relayé la dépénalisation de l'adultère en Inde et une tribune sur les études de genre, menacées en Hongrie, Pologne ou Turquie. On a aussi visité la première expo parisienne de l'Américaine féministe Martha Wilson et vu l'installation présentée à Tours de la plasticienne Ghada Amer, qui dénonce la mainmise masculine dans l'art. On a aussi rendu hommage aux pionnières du cinéma muet, rencontré l'historienne américaine Joan Scott, qui parle laïcité et égalité entre les sexes et interviewé Marlène Schiappa sur sa controversée université d'été du féminisme, l'occasion de recenser dix raisons d'être féministe.

Travail

La police sanctionnée pour manque de parité

La police nationale peine à féminiser sa hiérarchie. Plus les échelons hiérarchiques sont élevés, plus les femmes sont sous-représentées. Résultat, l'an dernier, selon les informations de l'Express, la police nationale a écopé d'une sanction financière de plus de 800 000 euros pour ne pas avoir nommé assez de femmes. Depuis 2013, la loi impose en effet un objectif de nominations féminines (20% en 2013, 30% à partir de 2015 et 40% en 2018) dans les administrations, qui s'exposent à des pénalités si elles ne remplissent pas les quotas. L'amende due par la police a finalement été ramenée à 90 000 euros, en raison du manque de candidates potentielles (moins d'un quart des fonctionnaires éligibles aux postes de directeurs, d'inspecteurs et de contrôleurs généraux était des femmes).

Le ministère de la Justice fait mieux : en 2017, la chancellerie a atteint l'objectif de 40% fixé par la loi, avec 11 femmes et 18 hommes nommés à des fonctions de direction. Plusieurs fonctions prestigieuses, comme procureur général à la Cour de cassation ou directeur de l'Ecole nationale de la magistrature, n'ont cependant jamais été occupées par des femmes, relève Gwenola Joly-Coz, présidente du tribunal de grande instance de Pontoise et fondatrice de l'association «Femmes de Justice». Parmi ces postes invariablement trustés par les hommes on retrouve aussi celui de procureur de la République de Paris, actuellement à pourvoir avec le départ de François Molins. Maryvonne Caillibotte, avocate générale à la Cour d'appel de Paris, pourrait être pressentie.

En septembre, la ministre de la Culture a annoncé un plan en faveur de l'égalité hommes-femmes dans le cinéma, des mesures analysées par la cinéaste Rebecca Zlotowski, le surf s'est montré précurseur en matière d'égalité femmes-hommes et une députée a dénoncé la fragilité des engagements des partis en faveur d'une parité réelle.

Education

Des écoles californiennes expérimentent un code vestimentaire féministe

Short, cropped top, jupe trop courte, ces tenues jugées indécentes ou inappropriées sont l'objet de toutes les attentions dans les établissements scolaires. Preuve que les injonctions autour de la tenue des filles sont tenaces. Ce phénomène, qui n'épargne pas la France, se fait d'autant plus présent aux Etats-Unis où les codes vestimentaires peuvent être très stricts et sexistes. En Californie, un district scolaire comprenant 19 écoles a décidé de prendre le total contre-pied de ces pratiques en expérimentant cette année scolaire un nouveau code vestimentaire féministe et inclusif, rapporte le quotidien local Sacramento Bee. Un mouvement insufflé en 2016 par un petit groupe de collégiens et leur enseignant.

Les élèves pourront désormais porter presque tout ce qu'ils veulent : chapeau, jean déchiré, legging et même pyjama gagnent leur droit de passage dans l'enceinte scolaire. Quelques règles restent tout de même à respecter. Les élèves doivent obligatoirement s'affubler d'un bas, d'un haut, de chaussures et surtout «de vêtements qui couvrent les organes génitaux, les fesses et les aréoles/mamelons avec un tissu opaque». Les vêtements représentant la violence, la haine ou encore la pornographie sont, eux, proscrits. Cette nouvelle politique a pour objectif de lutter contre le body-shaming, dont les filles sont majoritairement victimes et de permettre aux élèves de se sentir bien dans leur corps.

A lire aussi dans Libé, un dossier sur l'éducation sexuelle, réaffirmée en cette rentrée, des cours indispensables car ils aident notamment à prévenir le viol (et permettent de tordre le cou aux campagnes de désinformation, comme celle à propos d'un livre publié en 1994)

Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans «Libé»

• Qu'est-ce que l'écoféminisme ? La journaliste Aude Lorriaux revient sur Slate sur ce mouvement quasi-inconnu en France qui soutient qu'il y a des liens indissociables entre domination des femmes et domination de la nature. Ça se passe par ici.

• Renflement au niveau du torse évoquant une poitrine féminine, largeur de hanches calquée sur celles des femmes… Les robots ne sont pas préservés des stéréotypes de genres. Une problématique sur laquelle se penchent les gender studies. A lire sur le Monde.

• Toujours dans le Monde, un article relaye une initiative menée à Trappes (Yvelines), où une école a été entièrement repensée pour favoriser la mixité filles-garçons. Dans la cour de récréation, des jeux non genrés ont été installés pour inciter les enfants à interagir, peut-on lire.

• Dans l'Obs, une jeune femme brise l'omerta sur les violences sexuelles dans le milieu de la musique classique. Léa, 16 ans à l'époque des faits, raconte s'être retrouvée sous l'emprise de son professeur de flûte au conservatoire. Des agressions courantes mais souvent tues, explique la journaliste (l'article, payant, est à lire ici).

• «L'homosocialité […] commence avec les garçons qui jouent au foot entre eux dans la cour de l'école pendant que les filles jouent à la marelle, et ça se poursuit avec femmes dans la cuisine pendant que les hommes regardent le foot à la télé» : le blog Le Mecxpliqueur explique pourquoi le sexisme pousse les hommes à préférer l'amitié entre eux dans un post drôle et brillant à lire ici.

• Pour la première fois en Belgique, un jeune homme de 25 ans a été reconnu coupable d'un «viol à distance», comme le raconte le média belge RTBF. Il a notamment forcé une jeune femme de 15 ans à l'auto-pénétration sexuelle.

• Rihanna, Beyonce, Naomi Campbell, Lupita Nyong'o… Plusieurs magazines de mode, comme Vogue, ont affiché des femmes noires en une de leur numéro de septembre, le plus important de l'année. Faut-il y voir un véritable engagement de l'industrie ou du simple opportunisme ? La BBC s'interroge (en anglais).

• On termine enfin par une recommandation BD, avec l'histoire de Camel Joe, une justicière «niqueuse de patriarcat» sortie de l'imagination de l'illustratrice Constance, alter-ego de l'auteure Claire Duplan. La jeune femme de 26 ans publie son premier livre aux éditions Rue de l'Échiquier et ça donne envie d'enfiler son legging léopard pour faire la nique aux machos.