La plus opaque, mais aussi la plus puissante et tentaculaire des agences d'espionnage russes, la Direction générale des renseignements de l'état-major des forces armées (GRU), a été créée en 1918. Rival historique du FSB (ex-KGB) depuis la période soviétique, le GRU est dirigé depuis 2016 par le général Igor Korobov, sous sanctions américaines en tant que «proche de Vladimir Poutine». Et continue de tenir tête au FSB dans ce que l'on appelle «la guerre des tours» au Kremlin, c'est-à-dire les luttes d'influences. En matière de géopolitique, le GRU, comme le ministère de la Défense russe dont il relève, est partisan d'une ligne dure dans les relations avec l'Occident, et donc de confrontation avec l'Otan. Plus étendu que ses homologues occidentaux, le GRU dispose d'un vaste réseau d'agents à l'étranger mais aussi d'unités militaires d'élite - les Spetznaz - et d'un département de renseignement d'origine électromagnétique - l'équivalent de la NSA américaine.
«Une agence de renseignement militaire gonflée aux stéroïdes, résume le spécialiste des services de sécurité russes Mark Galeotti. Le GRU se considère comme un outil de guerre. Ses agents comme des soldats, pour lesquels seul le résultat compte. Les risques et les coûts ne sont pas très importants. Ils prennent donc plus de risques que les autres espions, et ont plus de chances de se faire attraper.»
Actif dans les guerres de Tchétchénie (1994-1996 et 1999-2006), pendant le conflit en Géorgie (2008), dans le Donbass et en Syrie plus récemment, le GRU est devenu le nouveau visage de la vilainie des Russes sur la scène internationale. Depuis 2014, à mesure que les relations entre la Russie et l'Occident se sont détériorées, ses opérations se sont multipliées, ou du moins sont devenues plus visibles. «Le Kremlin a lâché la bride, se considérant dans une guerre ouverte», d'après Galeotti. Soupçonné d'être derrière une constellation de groupes de hackers ayant mené des cyberattaques contre l'Agence mondiale antidopage et des médias, le GRU est accusé par les Américains d'avoir piraté les ordinateurs du Parti démocrate et influencé la présidentielle en 2016. Les Britanniques assurent que deux de ses agents ont empoisonné Sergeï Skripal. «L'effet d'accumulation vient du fait que les opérations interceptées sont rendues publiques, car les Occidentaux sont lassés par les excursions incessantes des Russes», conclut Galeotti.