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Libération

«L’Eglise russe se met toute seule au ban de l’orthodoxie.»

publié le 16 octobre 2018 à 19h56

Moscou avait prévenu que la réponse serait «dure». A la suite de la reconnaissance, la semaine dernière, par le patriarche de Constantinople Bartholomée Ier, de l'indépendance de l'Eglise d'Ukraine, le patriarche de Moscou, Kirill, a décidé «une rupture totale des relations eucharistiques» à l'issue d'un synode ce lundi à Minsk.

Après plusieurs semaines de confrontation avec Moscou, le 11 octobre, le synode de Constantinople a mis en œuvre la création d'une Eglise autocéphale en Ukraine. Bartholomée Ier a ainsi ouvert la voie à la réunification des différentes Eglises orthodoxes ukrainiennes, dont la plus importante (12 500 paroisses) et la seule canonique jusqu'à présent était celle rattachée au patriarcat de Moscou. Depuis, la Russie crie au scandale et accuse Constantinople d'avoir «légalisé le schisme», en faisant main basse sur des territoires que l'Eglise russe considère comme siens, puisqu'elle les administre depuis plus de trois cents ans.

Quels effets aura la décision de Kirill ? «Ces mesures unilatérales sont essentiellement démonstratives. C'est la manifestation d'une vexation», commente le spécialiste des questions religieuses Sergeï Chapnin.

Le conflit entre les deux grandes Eglises inquiète les orthodoxes (environ 300 millions de personnes, dont près de la moitié du côté russe), mais un véritable schisme ne serait pas à craindre, malgré l'usage intempestif du terme par le patriarcat de Moscou. Les autres Eglises, au nombre de 13, et bientôt 14 quand la nouvelle Eglise d'Ukraine sera formée, ne devraient pas emboîter le pas à Kirill dans sa querelle avec Bartholomée. «L'Eglise russe se met seule contre tous, poursuit Sergeï Chapnin. Personne ne va suivre, parce que la décision de ne plus être en communion avec Constantinople est excessive, et n'est pas fondée sur des différends relevant de la foi.»

Depuis 2014, en Ukraine, l’Eglise russe est perçue, notamment par le pouvoir, comme une force d’occupation au même titre que les combattants soutenus par Moscou dans l’est du pays. Et une Eglise indépendante est devenue un attribut de la souveraineté nationale.

Le patriarcat de Moscou brandit la menace d'une «guerre civile» entre partisans d'Eglises rivales et d'affrontements violents autour des édifices religieux. Les autorités ukrainiennes, craignant aussi des débordements, ont déployé la police dans la capitale ce mardi.