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Libération

«Nastroenie» : l’humeur changeante des Russes

publié le 17 octobre 2018 à 19h46

Chaque semaine, les années Poutine vues via un mot en russe qui raconte, décrypte, analyse ce pays à nul autre pareil.

Nastroenie : l'humeur. Celle des Russes aurait changé. Six mois seulement après une réélection très confortable - 77 % de voix -, la cote de popularité de Vladimir Poutine, qui a culminé à plus de 85 % depuis l'annexion de la Crimée en 2014, est retombée à 58 %, soit au niveau de 2013, selon un sondage publié par le centre Levada début octobre. Plus généralement, la foi dans l'Etat chute, ainsi que l'autorité du pouvoir. C'est ce qu'ont découvert les experts du Comité des initiatives citoyennes, créé par l'ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine. L'été et l'automne ont été particulièrement turbulents. Pour la première fois depuis des années, les Russes se sont mobilisés en masse contre une réforme controversée - l'augmentation de cinq ans de l'âge de départ à la retraite (60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes). Des manifestations ont émaillé le territoire, mais la loi a tout de même été adoptée, avec un assouplissement de dernière minute aussi insignifiant que populiste, exigé par Poutine. Aux élections régionales de septembre, les candidats du pouvoir ont été écartés par les votants, souvent au profit d'un concurrent fortuit, simplement parce qu'il ne représentait pas l'establishment.

Selon le Comité des initiatives citoyennes, les profonds changements dans la conscience de masse ont commencé avant la réforme des retraites. Dans leur rapport, les analystes relèvent trois évolutions essentielles, et surprenantes. Après des années durant lesquelles la stabilité - l’absence d’alternance du pouvoir - est devenue une fin en soi du régime, une soif accrue pour des changements radicaux, y compris risqués, est apparue, en réaction à ce qui a fini par devenir une stagnation politique et économique. Plus qu’un leader fort, aux pouvoirs illimités, les Russes aspireraient à la justice sociale. Enfin, alors que la majorité de la population a toujours attendu des solutions paternalistes à ses difficultés depuis la chute de l’URSS, une écrasante majorité de répondants considèrent désormais qu’on ne peut pas compter sur l’Etat, qu’il faut prendre ses problèmes à bras-le-corps, et avant tout changer les mentalités.