Après quinze jours de rétention à l’aéroport Ben-Gourion, Lara Alqasem, étudiante américaine de 22 ans, va pouvoir rejoindre les bancs de l’Université hébraïque de Jérusalem et suivre les cours en justice internationale et droits de l’homme de son master. En tranchant en sa faveur jeudi, la Cour suprême israélienne lui a offert son premier cours magistral, dénouant une affaire à l’écho international, de Jérusalem à New York.
A son arrivée en Israël, visa étudiant en poche, Lara Alqasem s’était vu refuser l’entrée du territoire. En cause : son activisme passé pour le mouvement pro-palestinien BDS (Boycott, désinvestissement, sanction) qui appelle, entre autres, au boycott universitaire d’Israël. Selon une loi controversée promulguée en 2017, tout activiste lié au BDS peut être refoulé à la frontière. Mais dans le cas de l’Américaine, dont la famille paternelle est d’origine palestinienne, la question de la temporalité de cet engagement s’est posée : si l’on a soutenu une fois le BDS, est-on à jamais blacklisté du pays ?
C’est ce qu’ont plaidé ses avocats, qui ont par ailleurs souligné que le ministère de l’Intérieur n’avait dans un premier temps eu aucun problème à lui accorder un visa, avant que des sites pro-israéliens non-gouvernementaux ne portent à leur attention des captures d’écrans douteuses, résultats de fouilles des comptes sociaux d’Alqasem. Soit une forme de privatisation militante du travail de renseignements, normalement prérogative de l’Etat… Devant les juges, Lara Alqasem a expliqué qu’elle avait changé d’avis sur le boycott d’Israël, notamment après avoir étudié l’Holocauste. Le ministère israélien de l’Intérieur y voit une ruse, arguant de la suppression de son compte Facebook juste avant son départ pour Israël.
Dans son verdict, sévère pour le gouvernement Nétanyahou mais qui ne remet pas en cause la loi anti-BDS, la Cour suprême considère que les preuves avancées par l'Etat ne justifient pas le bannissement de l'étudiante. Et de conclure : «L'impression inévitable est que l'annulation du visa qui lui a été donné était due à ses opinions politiques. Si tel est le cas, alors il s'agirait d'une étape extrême et dangereuse, qui pourrait mener à l'écroulement des piliers de la démocratie.»
(à Tel-Aviv)