«Obama is back». Avec un discours pugnace début septembre à l'université de l'Illinois, l'ancien président a signé son grand retour dans l'arène politique. A quelques semaines d'un scrutin crucial, Barack Obama met à profit son talent d'orateur et son charisme pour réveiller les consciences démocrates. «Vous devez voter car notre démocratie en dépend», a-t-il martelé, critiquant nommément Donald Trump pour la première fois depuis la fin de sa présidence. Adieu Obama le sage au-dessus de la mêlée, bonjour le chauffeur de salle. Le 44e président des Etats-Unis affiche une popularité à faire enrager son successeur : 63 % d'opinions favorables et 95 % chez les démocrates, selon le baromètre Gallup de juin 2017.
Factions
L’agitation médiatique autour du come-back politique d’Obama illustre le manque criant de leadership au sein du camp démocrate. Toujours traumatisé par la claque de 2016 face aux républicains, le parti reste miné par les divisions internes entre centristes et progressistes, héritage vivace de la primaire fratricide entre Hillary Clinton et Bernie Sanders. S’il aborde les midterms en position de favori et avec l’espoir d’une «vague bleue» qui pourrait lui redonner la majorité à la Chambre des représentants, le Parti démocrate le doit davantage à Donald Trump qu’à lui-même. La détestation de l’actuel président est aujourd’hui le seul trait d’union entre les différentes factions du parti.
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«Les leaders du parti ont presque tous plus de 65, voire de 70 ans, et la majorité, hommes comme femmes, sont blancs. Or, toute l'énergie des démocrates à l'heure actuelle repose sur les jeunes, notamment les femmes, et les minorités, dit David Andersen, professeur de science politique à l'université de l'Iowa. Cette vieille garde devrait céder la place mais semble déterminée à conserver son emprise sur le pouvoir.»
Pour beaucoup, Nancy Pelosi incarne ce refus du renouveau. A 78 ans, dont trente comme députée et quinze comme chef des démocrates à la Chambre, la représentante de Californie n'a pas l'intention de passer la main. Une soixantaine d'élus et de candidats ont annoncé leur refus de voter pour elle comme présidente de la Chambre si les démocrates en prennent le contrôle. Mais cette opposition ne suffira sans doute à empêcher son élection. «Détrôner Pelosi serait pourtant l'une des meilleures choses à faire pour les démocrates», estime David Andersen. Plus mesurée, la politologue Ruth Bloch Rubin, de l'université de Chicago, juge «très injustes» les attaques contre Pelosi, tout en reconnaissant que «les dirigeants démocrates, qui appartiennent à la vieille garde, n'ont sans doute pas les mêmes priorités ou sensibilités que la jeune génération».
Secret
Ses leaders étant trop clivants, trop peu charismatiques ou trop âgés, le Parti démocrate se repose donc sur Barack Obama, seul aujourd'hui à pouvoir combler le vide. Depuis début septembre, l'ex-président de 57 ans multiplie les meetings. Il a aussi apporté son endorsement, sorte de blanc-seing officiel, à plus de 340 candidats à travers le pays. Cette implication personnelle, rare de la part d'un ancien président, constitue toutefois une arme à double tranchant, estime Ruth Bloch Rubin : «Obama peut certes mobiliser une partie de l'électorat démocrate, mais s'il devient trop visible, cela peut aussi galvaniser la base républicaine, qui le déteste toujours autant».Barack Obama a-t-il pour autant le choix ? «Sa décision récente de s'impliquer davantage est absolument nécessaire. Il le doit au parti car il est grandement responsable de ce vide de leadership, souligne David Andersen. Obama a mené sa présidence en solo. Il a bâti autour de sa personne une organisation de campagne extrêmement puissante, mais n'a jamais cherché à devenir le leader du parti ou à le développer.» Résultat : sous l'ère Obama, le Parti démocrate a été décimé, perdant plus de 1 000 sièges au Congrès et à l'échelon local, notamment lors des midterms dévastatrices de 2010.
Alors que la campagne des primaires démocrates pour la présidentielle 2020 approche, au moins une dizaine de noms de candidats potentiels circulent. S'il est impossible de prédire qui affrontera Trump dans deux ans, Obama souhaite avoir son mot à dire. Selon Politico, il a rencontré cette année en secret au moins neuf prétendants, des plus progressistes (Bernie Sanders et Elizabeth Warren) au plus centriste (Joe Biden). Avec quel objectif ? «L'un des défis pour les démocrates est d'éviter des primaires prolongées, où les candidats se lanceraient des attaques que les républicains pourraient réutiliser. Barack Obama cherche peut-être à réduire le nombre de prétendants, en conseillant à certains jeunes de différer leur candidature», imagine Ruth Bloch Rubin. En coulisses, l'ancien président se rêve visiblement en faiseur de rois.