Ce n’était pas prévu. Le vote pour les élections législatives afghanes, censé s’achever samedi, a été prolongé d’une journée, jusqu’à dimanche soir. Ce n’est pas uniquement dû aux talibans, farouchement opposés au scrutin, mais aussi à des problèmes d’organisation, à des listes électorales mal conçues et à des machines biométriques, censées garantir la fiabilité des votes, qui n’ont pas fonctionné, parfois uniquement par manque d’électricité.
Samedi soir, la participation s'établissait à environ 3 millions de votants, sur près de 9 millions d'inscrits, selon la commission électorale indépendante. Sans surprise, elle est largement plus forte à Kaboul, la capitale, que dans les provinces. Environ 400 bureaux de vote sont restés fermés, sur environ 5 000. Mais beaucoup de ceux qui ont ouvert l'ont fait avec retard, y compris à Kaboul, où des électeurs ont dû attendre plusieurs heures dans la rue. La Commission électorale a donc décider d'ouvrir environ 400 bureaux dimanche – au final, seuls 250 ont pu l'être, les autres restant fermés pour raisons de sécurité. «Les électeurs enregistrés qui n'ont pas vu voter en raison de problèmes techniques doivent pouvoir le faire», s'est félicitée la mission des Nations unies en Afghanistan.
«Fraude»
Pas sûr pourtant, qu'ils le puissent, pas plus dimanche que samedi. «Nous avons la plupart des mêmes problèmes qu'hier», a déclaré Ali Reza Rohani, porte-parole de la Commission des plaintes électorales. Il s'était déjà dit inquiet samedi que la prolongation du scrutin nuise à «l'impartialité et à l'équité» de l'élection et fournisse «des opportunités de fraude».
Le chaos tient en partie à ces machines biométriques imposées à la dernière minute. D’ordinaire, lors des précédents scrutins, les Afghans se présentent à leur bureau de vote, un employé vérifie qu’ils sont bien sur les listes, et ils trempent un doigt dans une encre censée être indélébile après avoir glissé leur bulletin dans l’urne. La méthode est loin d’être infaillible : un même électeur peut s’inscrire dans plusieurs bureaux, et l’encre peut être effacée. Mais elle a le mérite d’être simple.
Elle aurait dû être utilisée pour les élections de 2018. Mais en juillet, les principaux partis politiques afghans ont décidé que l'enregistrement des électeurs devait être numérique. Le système habituel, estimaient-ils, était «défectueux et frauduleux». La Commission électorale, suivant l'avis du gouvernement, a alors promis que la méthode biométrique serait mise en place pour les présidentielles, programmées en avril 2019.
400 attaques
Mais les partis n’en ont pas démordu. Ils ont menacé de ne pas reconnaître les résultats des élections parlementaires si la biométrie n’était pas déployée. Sous pression, la Commission électorale a cédé fin septembre. Un contrat de 18 millions d’euros a été passé avec une entreprise allemande spécialisée, Dermalog. Il restait moins d’un mois avant le scrutin. Samedi, les incidents techniques se sont multipliés. Certaines machines n’ont pas fonctionné, faute de pouvoir recharger les batteries, ou très lentement. Et dans plusieurs bureaux de vote à travers le pays, personne ne savait comment les faire marcher.
A ces problèmes d'organisation, se sont ajoutés ceux provoqués par les talibans. Depuis plusieurs semaines, les insurgés ont multiplié menaces et intimidations, comparant le scrutin à «un processus théâtral» auquel les Afghans ne devaient pas participer sous peine «de se mettre en danger». Samedi, ils ont mené environ 400 attaques à travers le pays, tuant ou blessant près de 300 personnes, civils ou membres de forces de sécurité, selon un décompte de l'AFP.
A Kaboul, un attentat-suicide dans un bureau de vote a fait au moins 15 morts. Ailleurs, des attaques au lance-roquettes, des jets de grenades et des explosions de mines artisanales ont été signalées. Dans certains districts qu'ils contrôlent, notamment dans l'Ouest et le Sud, les talibans avaient installé des barrages sur les routes pour dissuader les électeurs. La province de l'Ouruzgan, dans le Sud, est celle où la participation est la plus faible. Le vote a été annulé à Ghazni et à Kandahar, où le chef de la police a été assassiné jeudi. Les résultats définitifs de l'élection ne sont pas attendus avant le 26 décembre.