Tous les jours, retrouvez le fil vert, le rendez-vous environnement de Libération. Le mardi, c’est la règle de trois : trois questions à un scientifique pour décrypter les enjeux environnementaux.
Pendant deux ans, Laurent Godet du laboratoire Littoral, environnement, géomatique, télédétection au CNRS et Vincent Devictor de l'Institut des sciences de l'évolution de Montpellier ont épluché près de 13 000 articles scientifiques sur la biodiversité. Ce dernier décortique pour Libération les conclusions de leur étude publiée dans la revue Trends in Ecology and evolution.
Pourquoi avoir lancé cette étude ?
Nous avons constaté que la recherche scientifique est souvent critiquée pour ne pas présenter des solutions face à la crise de la biodiversité. On entend aussi qu’elle a tendance à être trop pessimiste sur les constats de disparition de certaines espèces et habitats. Nous avons alors décidé d’étudier le maximum de publications possibles à travers le monde. Et nous sommes arrivés à des conclusions surprenantes.
Lesquelles ?
Nos recherches font état d'une amélioration extraordinaire de la précision et de la qualité des données internationales sur la biodiversité, en quelques décennies. Par ailleurs, les quatre grandes causes de ce déclin ont été identifiées il y a déjà quarante ans : la trop forte exploitation des ressources (surchasse ou surpêche par exemple), la fragmentation de l'habitat des espèces, l'introduction d'espèces invasives et enfin les extinctions en chaîne qui peuvent découler des trois premiers facteurs. A cela s'ajoute aujourd'hui, la pollution et le changement climatique. Nos deux ans de recherches nous montrent que la recherche scientifique dans ce domaine n'est ni pessimiste, ni optimiste, mais réaliste. La crise de la biodiversité s'accélère.
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En quoi est-elle optimiste alors ?
Ces dernières décennies, nous avons accumulé des bonnes nouvelles. Les programmes de conservation et de réintroduction ont permis le retour en Europe de grands carnivores comme l'ours, le lynx et le glouton. Le héron cendré retrouve sa place dans les campagnes françaises. Certains habitats autrefois largement exploités connaissent de nouvelles dynamiques favorables. Les aires marines protégées se sont aussi montrées d'une efficacité fantastique pour faire renaître des espaces riches en biodiversité.
Vous concluez que le problème vient du côté des politiques et non de la recherche scientifique…
Le modèle de développement durable a montré sa faillite ces quinze dernières années car les choix politiques se font, quasiment systématiquement, en faveur des activités humaines et au détriment de la protection de l’environnement. Très souvent, la temporalité écologique (au sens des interactions entre espèces) n’est pas en accord avec celle des humains. Il faut aussi prendre en compte l’aspect évolutif des espèces et écosystèmes sur le long terme. Seulement 0,02% du territoire métropolitain sont des réserves biologiques intégrales, soient les seuls espaces strictement protégés des activités humaines.
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