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Libération

De la «torture systématique» dans les prisons palestiniennes

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publié le 23 octobre 2018 à 20h51

L'Autorité palestinienne et son rival islamiste du Hamas recourent l'un comme l'autre de façon «routinière» aux menaces, aux arrestations arbitraires et aux violences contre les prisonniers, qu'il s'agisse de coups, de décharges électriques ou de maintien prolongé dans des positions éprouvantes, a dénoncé mardi l'influente ONG américaine Human Rights Watch (HRW) dans un rapport dévoilé à Ramallah, en Cisjordanie occupée.

«Le recours systématique à la torture comme relevant d'une politique gouvernementale constitue un crime contre l'humanité», passible de la Cour pénale internationale (CPI), a dit Omar Shakir, directeur de HRW pour Israël et les Territoires palestiniens. L'Autorité palestinienne a rejeté les accusations de HRW. Le Hamas a proposé de recevoir l'ONG à Gaza, mais Israël ne lui a pas permis d'entrer dans l'enclave, selon HRW. L'Autorité, qui exerce un gouvernement limité sur des fragments de Cisjordanie occupée, et le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza sous blocus, sont à couteaux tirés depuis des années. Les abus des services de sécurité de l'un visent largement les soutiens de l'autre, dit l'ONG dans ce document de près de 150 pages, résultat de deux années de recherches et d'entretiens avec plus d'une centaine d'anciens prisonniers, de témoins, d'avocats…

Les débordements touchent manifestants, critiques et dissidents, journalistes ou blogueurs. HRW détaille «plus d'une vingtaine de cas de personnes arrêtées sans autre raison claire qu'un article critique, une publication sur Facebook ou leur appartenance au mauvais syndicat étudiant ou au mauvais mouvement politique». Exemple : Sami al-Sai, un journaliste indépendant de 39 ans soupçonné de liens avec le Hamas, a été arrêté en Cisjordanie en 2017. Il a été battu et pendu par les poignets au plafond avec des menottes, relate le rapport. Après avoir plaidé coupable pour plusieurs chefs d'accusation, dont «trouble d'ordre idéologique», une incrimination fourre-tout, il a passé trois mois en prison. «Chaque jour, je m'attends à ce qu'ils m'emprisonnent de nouveau, me torturent», témoigne-t-il à l'AFP.

Fouad Jarada, un journaliste de 34 ans arrêté par les services du Hamas en juin 2017, trois jours après l'avoir critiqué sur Facebook, a été détenu plus de deux mois, dont la moitié dans une pièce appelée «le bus». «Ils m'ont […] tapé avec un câble et fouetté les pieds», dit-il. Aucun responsable n'a été condamné pour ces actes, note HRW. Pour Omar Shakir de tels agissements sapent le discours des Palestiniens contre Israël, qu'ils accusent constamment de détentions arbitraires et de mauvais traitements. L'ONG a appelé les pays occidentaux à suspendre leurs aides à l'Autorité tant qu'elle n'aura pas mis fin à ses pratiques. Au grand dam de l'Autorité palestinienne, qui a dénoncé un «rapport [qui] confond politique et droits de l'homme».