C'est un mâle blanc né en 1966, haut de 5 pieds et 7 pouces, pesant 150 livres, et son dernier domicile connu est simplement «le Mexique». Voici comment la fiche de recherche de la DEA, la brigade des stups des Etats-Unis, décrit Nemesio Oseguera Cervantes, alias «El Mencho» (le diminutif de son prénom). L'élément le plus important publié sur le site de la DEA est la récompense pour quiconque fournira les informations menant à son arrestation : 10 millions de dollars (près de 9 millions d'euros).
Après la capture de Joaquín «El Chapo» Guzmán, le titre honorifique d'homme le plus recherché du continent américain est échu au patron du Cartel Jalisco nouvelle génération (CJNG), le groupe criminel le plus puissant du Mexique. Le gouvernement du pays a mis sa tête à prix : 60 millions de pesos (2,5 millions d'euros).
Avions
El Mencho fait partie d’un brelan de criminels avidement recherchés par les Etats-Unis. Les autres sont Ismael «El Mayo» Zambada, le dauphin de d’El Chapo au sein du cartel de Sinaloa et l’un des très rares parrains à n’avoir jamais mis les pieds en prison, et Rafael Caro Quintero, du défunt cartel de Guadalajara, condamné au Mexique puis libéré après vingt-huit ans de prison, et toujours recherché par la justice américaine pour la torture et l’assassinat, en 1985, d’Enrique Camarena, un agent infiltré de la DEA.
Clandestin aux Etats-Unis, El Mencho trafique avec son frère plus âgé et multiplie les allers-retours au Mexique. Condamné à cinq ans de prison, il est libéré au bout de trois ans et expulsé vers son pays en 1996. A 30 ans, sa carrière va prendre une autre dimension. La mort en 1997 d’Amado Carrillo alias «le Seigneur des cieux», parce qu’il faisait voyager ses cargaisons dans des avions gros-porteurs, redistribue les cartes du narcobusiness et El Mencho en est le grand gagnant.
Rivaux
Devenu l’objectif prioritaire du gouvernement, il rend coup pour coup dans la guerre qui l’oppose à l’Etat. En mai 2015, lors d’une offensive lancée pour le capturer, il fait abattre au lance-grenades un hélicoptère de l’armée. Neuf soldats sont tués. Les troupes lancées à ses trousses sont arrêtées par des «narcobarrages», et des dizaines d’incendies de stations-service et de banques. El Mencho se joue de la marine (chargée de la lutte antidrogue, les autres corps de l’armée étant jugés trop perméables à la corruption), mais lamine aussi les groupes criminels rivaux. C’est lui qui a mis fin, en 2018, aux agissements du redoutable cartel de Los Zetas, formé d’anciens agents des unités d’élite de la police mexicaine.
Un coup rude lui a été porté avec l’arrestation, en mai, de sa femme. Rosalinda González Valencia est soupçonnée de contrôler avec ses frères l’appareil comptable du CJNG, qui blanchit les millions de dollars du trafic de stupéfiants transfrontalier (et même intercontinental, puisque les branches du cartel s’étendent jusqu’à l’Afrique et à l’Europe). Mais jusqu’à présent, récompenses ou pas, Nemesio Oseguera Cervantes reste introuvable.