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Libération

Trois jours de blocage au Pakistan pour réclamer la mort de la chrétienne Asia Bibi

publié le 4 novembre 2018 à 20h26

Le Pakistan a connu une semaine mouvementée. De mercredi à vendredi, le pays a vu nombre de routes bloquées, des commerces et écoles fermés à cause de manifestations de plusieurs milliers de personnes. Le réseau mobile a même été coupé vendredi dans les grandes villes. Au centre de ces événements, le sort d’Asia Bibi, une femme de 47 ans.

Qui est-elle ?

Chrétienne, Asia Bibi est originaire de la province du Pendjab, dans le centre du pays. En 2009, l’ouvrière agricole a été arrêtée pour «blasphème» à la religion islamique. Des femmes l’ont accusée d’avoir souillé un puits car elle, chrétienne, y avait bu. Asia Bibi leur a répondu. C’est cette réponse qui lui a coûté une condamnation à mort par pendaison en novembre 2010. Cette mère de cinq enfants clame toujours son innocence. Après huit ans dans le couloir de la mort, Asia Bibi a eu gain de cause mercredi, quand la Cour suprême a prononcé son acquittement.

Qu’est-ce qui a motivé les manifestations ?

La décision des juges a suscité la colère des islamistes extrémistes du parti Tehreek-e-Labaik (TLP). Mobilisant la population, ils sont descendus dans la rue pour demander la mort d’Asia Bibi et des magistrats de la Cour suprême.

Après trois jours de blocage, l’exécutif pakistanais a conclu un accord avec les manifestants. Il a accepté de lancer une procédure pour interdire à Asia Bibi de sortir du territoire et s’est engagé à ne pas bloquer une requête en révision de son acquittement entreprise par un religieux islamiste du nom de Qari Salam.

Asia Bibi est-elle libre ?

La chrétienne reste enfermée dans un centre de détention de la ville de Multan. Elle attend l'issue de la procédure de révision de son jugement. Son mari, Ashiq Masih, espère réussir à lui faire quitter le pays avant que l'interdiction de sortie du territoire ne soit confirmée. Dimanche, il en a appelé à des puissances occidentales pour secourir sa femme et sa famille, menacées de mort. «Je demande au président des Etats-Unis de nous secourir et nous aider à quitter le Pakistan, dit-il dans une vidéo enregistrée par la British Pakistani Christian Association. Je demande aussi à la Première ministre du Royaume-Uni et au Premier ministre du Canada de nous soutenir.» Avant cela, le leader du TLP avait menacé : «Il y aura la guerre s'ils font sortir Asia Bibi du pays.» Samedi, l'avocat de cette dernière a annoncé qu'il quittait le Pakistan : «J'ai besoin de rester en vie car je dois poursuivre la bataille judiciaire pour Asia Bibi», a ainsi commenté Me Mulook, qui ne s'est vu accorder aucune protection après le verdict en faveur de sa cliente.

Dimanche, la Commission des droits de l'homme pakistanaise s'est dite «consternée» par l'«incapacité du gouvernement à protéger l'Etat et le caractère sacré de la loi», qualifiant l'accord signé avec les islamistes de «mascarade» après le jugement «historique» de la Cour suprême.