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Le fil vert

«Une autre fin du monde est possible» ou l'éloge de l'action rationnelle face au déclin écologique

A l'ère de l'anthropocènedossier
Les auteurs Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle sortent du constat de l'effondrement des sociétés thermo- industrielles et capitalistes qui s'annonce et dessinent les pistes d'un monde d'après, moins sinistre qu'on pourrait le penser.
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publié le 12 novembre 2018 à 9h37

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Concevoir la résilience écologique comme un processus de deuil. Avec Une autre fin du monde est possible, les auteurs Pablo Servigne (ingénieur agronome) et Raphaël Stevens (écoconseiller), accompagné de Gauthier Chapelle (ingénieur agronome), poursuivent leur réflexion entamée dans le très complet (et démoralisant, il faut le dire) Comment tout peut s'effondrer (ed. Seuil, 2015). Cette fois, ils pensent l'après effondrement. Son effet sur la psychologie humaine et comment celle-ci peut nous sauver de la dépression et (ou) de l'impréparation aux catastrophes écologiques et climatiques.

Point de départ du raisonnement, les auteurs défrichent «l'étape cinq de la prise de conscience», là où «la collapsologie ne suffit plus». Cette phase où les crises écologiques ne sont plus «un "problème" qui appelle des "solutions" mais un predicament [une situation inextricable qui ne sera jamais résolue, comme peut l'être la mort ou une maladie incurable]». L'être humain se trouve confronté à la disparition de ses repères et d'un avenir qui semblait assuré. Cet aboutissement de l'accumulation d'informations sur l'état de la planète, cette réalisation d'être au bord du gouffre, peut mener certains à la «dépression».

Dépasser le deuil

Face à ce sentiment d'impuissance, l'homme a les moyens de se relever et d'avancer, développe Une autre fin du monde est possible. «L'idée selon laquelle les émotions liées à un effondrement puissent se comprendre à travers un processus de deuil représente une vraie libération, peut-on y lire. Elle fonctionne immédiatement comme un "déclic" qui soulage et permet de se rendre compte : que la palette d'émotions qui nous traversent est naturelle ; que ce processus est long, dynamique et complexe et que ça finit par déboucher sur un horizon plus serein, le fameux "stade de l'acceptation".»

Les auteurs puisent alors dans l'idée développée par l'activiste Cyril Dion dans son dernier livre Petit Manuel de résistance contemporaine (Actes Sud, 2018) : «Le défi de changer de récit pour notre époque est immense, c'est la promesse d'un tremblement de terre», écrivent les auteurs. Changer de conception du monde, emprunter à la science-fiction, à l'art, aux mythologies pour imaginer un monde post-effondrement réjouissant. Un monde nettoyé des effets néfastes du capitalisme. Voilà ce que les auteurs proposent comme remède au défaitisme.

Un espoir actif

Pour Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, la nouvelle civilisation née des restes du monde actuel devra être fondée sur l'entraide et la gratitude. Une vision qui peut sembler fleur bleue. Alors les auteurs montrent comment ces sentiments sont l'essence de la nature humaine. Et même de la nature en général (voir les avancées scientifiques sur l'intelligence des plantes). Pour convaincre une dernière fois, les trois «collapsologues» citent les évolutionnistes Edward Wilson et David Wilson : «L'égoïsme supplante l'altruisme au sein des groupes. Les groupes altruistes supplantent les groupes égoïstes. Tout le reste n'est que commentaire.»

Une autre fin du monde est possible de Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, éd. Seuil (collection Anthropocène), 2018, 323 pp., 19 €.