Le plan de rapatriement des réfugiés rohingyas en Birmanie a une fois de plus fait un flop retentissant, jeudi, dans les immenses camps du Bangladesh. Dacca et Naypyidaw s'étaient accordés sur un premier retour de 2 251 personnes, au rythme de 150 par jour. Un projet qui n'avait aucune chance d'aboutir tant les conditions de retour restent inacceptables pour les réfugiés. Quinze mois après l'opération de nettoyage ethnique qui a poussé 700 000 musulmans birmans à quitter l'Etat d'Arakan, la Birmanie ne leur propose qu'une autorisation de séjour provisoire, et des places dans des camps de «transit». Après avoir été la cible de graves exactions infligées par les forces de l'ordre birmanes et les milices bouddhistes l'an dernier, les familles n'ont aucune assurance de pouvoir retourner dans leur village et d'y vivre dans de bonnes conditions. D'autant que 120 000 Rohingyas, déplacés il y a plusieurs années à l'intérieur de l'Arakan, sont toujours parqués dans des camps dans des conditions très difficiles.
Alors que des élections sont prévues pour le 30 décembre au Bangladesh, Dacca comptait sur cette opération, organisée avec la Birmanie sous l'égide de Pékin, mais sans concertation avec les réfugiés, pour amadouer les électeurs bangladais de plus en plus agacés par la présence d'un million de réfugiés sur leur sol. Des bus avaient même été préparés pour conduire les «volontaires rohingyas» à la frontière. Ils sont restés vides car, selon nos informations, les listes de noms avaient été établies sans informer les intéressés. «Les autorités bangladaises en charge des camps de Rohingyas ont demandé aux majhis [responsables rohingyas de quartier, ndlr], de faire une liste de dix à quinze familles réfugiées à rapatrier en Birmanie. Comme il n'y a pas de volontaires, certains majhis sont allés voir les gens, leur ont raconté que des marchés gérés par les réfugiés allaient ouvrir dans les camps, qu'ils devaient donner leur nom s'ils voulaient tenir un commerce, raconte à Libération Mayyu Ali, un Rohingya qui connaît plusieurs familles concernées. A d'autres, des soldats accompagnés de membres du Brac, une organisation humanitaire bangladaise, ont dit qu'ils cherchaient des candidats pour un programme sanitaire. Les réfugiés se méfiaient, demandaient si c'était pour le rapatriement, on leur disait que non. Quand ils ont appris qu'ils étaient sur les listes de départ, ils ont quitté leur abri et se sont cachés de peur d'être emmenés de force à la frontière.»
Jeudi, des centaines de Rohingyas ont manifesté dans les deux camps qui avaient été désignés pour la première phase du processus, criant «nous réclamons justice» et «nous ne partirons pas» sous les objectifs des journalistes. Le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés, auquel la liste des 485 familles avaient été communiquée, avait demandé mardi l'arrêt de l'opération après avoir constaté que sur 50 familles interrogées, aucune n'était candidate au retour. A 16 heures, heure locale, le processus a été suspendu.