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Libération
1918-2018

L'Europe ou le chaos : devant le Bundestag, Macron dramatise

1918, cent ans aprèsdossier
Le chef de l'Etat clôturait ce dimanche, au côté de la chancelière, le cycle de commémoration de la Grande Guerre.
Emmanuel Macron devant le Bundestag dimanche à Berlin. (Photo John MacDougall. AFP)
publié le 18 novembre 2018 à 19h24

Ils ne se quittent plus. Côte à côte dans la clairière de l'armistice à Compiègne puis sous l'Arc de Triomphe le week-end du 11 novembre, Angela Merkel et Emmanuel Macron se sont retrouvés ce dimanche à Berlin pour honorer les morts et célébrer la paix. D'abord devant la Neue Wache, mémorial dédié aux «victimes de la guerre et de la tyrannie», puis devant le Bundestag réuni pour ce 18 novembre, «jour du souvenir».  Depuis Jacques Chirac en juin 2000, aucun président ne s'était exprimé, à Berlin, devant le parlement allemand.

A la veille de l'examen à Bruxelles par les ministres des Finances de l'UE d'une proposition franco-allemande sur «les contours» d'un futur budget de la zone euro – «un grand pas en avant» selon Bercy – Macron a pris des accents dramatiques pour plaider la cause de l'UE. «Notre monde se trouve à la croisée des chemins», a-t-il expliqué, mettant en garde contre le risque de voir prospérer un «nationalisme sans mémoire», voire même un «fanatisme sans repères». Selon lui, l'Europe, et tout particulièrement son moteur franco-allemand, se trouve investie de l'«obligation de ne pas laisser le monde glisser dans le chaos et de l'accompagner sur le chemin de la paix». Cela passe par la construction d'une «souveraineté européenne» dont Macron a défini les fondements dès septembre 2017, dans son discours de la Sorbonne : politique migratoire et système d'asile harmonisés, construction d'une défense commune et budget commun aux 19 pays de la zone euro.

«Prendre de nouveaux risques»

«Cette nouvelle étape nous fait peur, car chacun devra partager, mettre en commun sa capacité de décision, sa politique étrangère, migratoire ou de développement, une part croissante de son budget et même des ressources fiscales», a reconnu Macron devant des parlementaires allemands qui sont effectivement nombreux, notamment à droite, à s'inquiéter de la conception française de «la souveraineté européenne».  Visant implicitement la CDU de Merkel, il a invité le Bundestag à «prendre de nouveaux risques» en «dépassant son lot d'hésitations» et en «surmontant ses réticences».

Il se trouve justement que l'Allemagne a montré, ces dernières semaines, qu'elle était disposée à sortir de «l'immobilisme» dénoncé par Paris. Les progrès sont notamment sensibles en matière de défense, Paris et Berlin n'hésitant plus à parler d'«armée européenne», sans craindre de provoquer la fureur de Trump. «L'Europe ne pourra pas jouer son rôle si elle devient le jouet de puissances et se contente d'un second rôle sur la scène mondiale. Trop de puissances veulent nous effacer du jeu. Notre vraie force est notre unité et notre souveraineté», a plaidé Macron à Berlin.

France et Allemagne se sont surtout entendues sur le principe d'un budget dont la gouvernance ne relèverait que des seuls 19 membres de la zone euro. Certes, le montant dudit budget se limiterait à quelques dizaines de milliards d'euros là où Macron en espérait des centaines. Mais pour Paris, ce pas reste important car il fait progresser la gouvernance de la zone euro. Selon une source ministérielle française, la menace d'un chaos italien ne serait pas étrangère à ces avancées : «En cas de crise majeure, les Allemands voient bien qu'il vaut mieux une réponse anticipée, grâce aux règles communes que nous nous serons donnés.»