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Libération
Union européenne

Italie : face aux exigences budgétaires de Bruxelles, la coalition Cinq Etoiles et la Ligue en surchauffe

Alors que la Commission européenne menace de sanctionner l'Italie pour déficit excessif, les deux partis au gouvernement s'écharpent sur les réponses à apporter.
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte entre ses deux vice-Premiers ministres, Matteo Salvini (Ligue) et Luigi Di Maio (Mouvement Cinq Etoiles). (Photo Filippo Monteforte. AFP)
par Eric Jozsef, correspondant à Rome
publié le 22 novembre 2018 à 15h30

«La lettre de Bruxelles est arrivée ? J'attends aussi celle du père Noël…» Avec ironie, le vice-premier ministre italien Matteo Salvini a choisi officiellement de camper sur ses positions. Les menaces de la Commission européenne de sanctionner l'Italie pour déficit excessif (2,4 % du PIB l'an prochain) n'entament toujours pas, en public, la détermination du leader de la Ligue d'extrême-droite. Au lendemain du rejet par Bruxelles du projet de budget 2019 de la coalition populiste, l'homme fort du gouvernement italien a ainsi assuré jeudi matin : «Nous ne ferons pas marche arrière.» Expliquant que le dérapage des comptes publics viserait à assurer une meilleure justice sociale et à relancer l'économie.

«Je ne suis pas le père Noël, je suis le commissaire aux Affaires économiques et je pense que ces questions doivent être traitées avec respect réciproque, sérieux et dignité», lui a répondu le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici dans un entretien au Corriere della Sera, ajoutant toutefois que «le dialogue [avec Rome, ndlr] n'est pas une option, mais un impératif». En clair, Bruxelles espère encore que le gouvernement italien reviendra sur ses pas et acceptera d'apporter des corrections avant qu'elle procède au lancement formel de «la procédure pour déficit excessif», laquelle ne devrait pas intervenir avant le début de l'année prochaine. Les sanctions pourraient coûter à Rome jusqu'à 0,5 % de son PIB.

«Il n’y a pas de rébellion envers l’Union européenne»

Les responsables de la Commission comptent notamment sur la préoccupation de plusieurs responsables gouvernementaux pour pousser l'exécutif de Giuseppe Conte à revoir sa copie. Depuis plusieurs semaines, les taux d'intérêts italiens à dix ans sont repartis à la hausse. L'écart avec ceux de l'Allemagne a atteint un taux de 314 points mercredi, ce qui risque de renchérir durablement le coût de financement de la colossale dette italienne, qui dépasse les 131 % du PIB. «Je suis évidemment inquiet», a glissé le ministre de l'Economie Giovanni Tria, considéré comme l'une des colombes du gouvernement.

Le président du Conseil Giuseppe Conte, qui rencontrera samedi soir le président de la Commission Jean-Claude Juncker, a assuré jeudi matin, en signe de bonne volonté : «Nous sommes responsables, il n'y a pas de rébellion envers l'Union européenne.» Ajoutant : «Avec l'Europe, nous avons un objectif commun, à savoir la réduction de la dette.» Selon la presse italienne, les dirigeants du Mouvement Cinq Etoiles (M5S) seraient disposés à faire quelques concessions. Le vice-premier ministre et leader du Mouvement Luigi di Maio aurait laissé entendre qu'il serait prêt à présenter de nouvelles garanties pour assurer que le déficit n'augmenterait pas ultérieurement.

En coulisses, la Ligue serait elle aussi prête à faire quelques sacrifices : la très onéreuse modification du système des pensions permettant une diminution de l’âge de départ pourrait être légèrement revue à la baisse. En échange, les proches de Salvini demanderaient que le revenu de citoyenneté soit également corrigé. Ce que les Cinq Etoiles refusent pour l’heure catégoriquement. Entre les deux formations, les tensions se multiplient de jour en jour. D’autant que les électeurs de la Ligue, en particulier les entrepreneurs du nord du pays, commencent à s’inquiéter sérieusement d’une politique économique et d’un bras de fer avec Bruxelles qui risquent de pénaliser durablement leurs activités.