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Libération
Éditorial

Larmes

publié le 25 novembre 2018 à 19h36

Goodbye and good luck… Que dire d'autre quand deux amis se séparent, écrasant furtivement une larme pour cacher leur chagrin ? Amis, la France et la Grande-Bretagne le sont depuis plus d'un siècle, à travers les épreuves les plus terribles, dans les tranchées de la Somme dont on vient de ranimer le souvenir, ou dans les heures sombres de 1940, quand le francophile Churchill adjurait Paris de continuer le combat et accueillait à Londres l'âme résistante du pays abattu, aussi faible soit-elle. Ou encore dans la paix, quand des millions de Français et de Britanniques ont choisi d'aller habiter les uns chez les autres. Etrange divorce que chacun semble pleurer. Jour «tragique», disent les responsables européens. Seule solution possible, dit Theresa May, ce qui ne traduit pas, c'est le moins qu'on puisse dire, un enthousiasme sans mélange. Les plus furieux, paradoxe des paradoxes, sont les brexiters qui ont initié cette folie à coups de mensonges. Chacun constate aujourd'hui, de chaque côté de la Manche, que le hard Brexit appelé de leurs vœux heurterait de plein fouet les intérêts des deux parties. On se rabat, faute de mieux, sur un Brexit lyophilisé qui maintient la Grande-Bretagne dans le marché unique tant honni, avec cette seule différence : le Royaume-Uni devra se conformer à des normes qu'il ne pourra même plus discuter. Imbécillité du souverainisme : on veut «reprendre le contrôle» ; au bout du compte, on le perd un peu plus. Certes la Grande-Bretagne, en larguant les amarres, ne s'abîmera pas dans les flots à cause du Brexit - qui l'a pensé, d'ailleurs ? Cette grande nation vivra sans doute moins bien, mais elle vivra. Notamment parce que les amarres ne sont pas vraiment coupées et que Theresa May a voulu sortir de l'Europe sans s'en détacher. A ce triste au revoir, il manque donc un codicille porteur d'espoir : see you soon.