«Sapientia et virtus.» La devise orne l’amphithéâtre du Centennial campus de l’université de Hongkong. Là, des dizaines de journalistes attendent celui qui a ravivé les pires fantasmes. Des centaines de scientifiques sont là aussi, réunis mercredi pour le second sommet international sur l’édition du génome humain, et avides d’explications. Et le «père» autoproclamé des premiers bébés génétiquement modifiés, le Dr He, se présente enfin sous de maigres applaudissements.
à lire aussi Un scientifique chinois prétend avoir fait naître les premiers bébés génétiquement modifiés
Les crépitements des photographes cessent et le biologiste chinois entame son exposé. Vingt minutes durant il justifiera ses essais cliniques, dont les résultats révélés dans des vidéos dimanche auraient «fuité de façon inattendue», affirme-t-il en guise d'introduction. Schémas à l'appui, il décrypte comment il est intervenu sur des gènes d'embryons viables dans le but de rendre des bébés à naître résistants au virus du sida. Et comment il a utilisé la technique Crispr-Cas9, qui découpe l'ADN pour mieux le soigner.
Détails invraisemblables, contraires à toute éthique
Alors qu’avant lui de nombreux chercheurs avaient expliqué les limites actuelles de cette technique Crispr, qui ne serait pas encore totalement maîtrisée, en particulier sur les embryons humains du fait de mutations ou ruptures chromosomiques dans des zones différentes de celles ciblées, He Jiankui a, lui, expliqué avoir entrepris des expérimentations sur des singes. Fort des succès rencontrés, selon lui, il aurait alors décidé de passer à des essais cliniques sur des embryons humains viables et destinés à naître.
«Les parents, volontaires, ont été informés des risques posés par l'existence d'un "off-target" dans l'un de deux embryons», un autre gène touché que celui ciblé, et «ont décidé de l'implanter», assure notamment le biologiste formé aux Etats-Unis, avant de conclure que les fillettes nées il y a quelques semaines seraient suivies médicalement jusqu'à leur majorité. Des détails invraisemblables, contraires à toute éthique, surgissent ensuite à mesure que des scientifiques présents dans la salle l'assaillent de questions, non sans le traiter à maintes reprises d'«irresponsable».
Docteur droit dans ses bottes
Huit couples auraient initialement accepté de servir de cobayes, des hommes séropositifs et femmes séronégatives. Tous sont «hautement éduqués», «conscients des risques» pour leurs futurs enfants et qui «ont pu poser des questions tout au long du processus». En dépit des protocoles, le Dr He dit être passé par une association de lutte contre le Sida pour recruter ces «volontaires» et avoir lui-même fait passer des entretiens pour expliquer le processus aux futurs parents. Au total 31 embryons ont été manipulés, et une autre grossesse est en cours, affirme le chercheur chinois. Mais «une pause est observée dans les essais du fait de la situation», dit-il.
Fustigé pour avoir travaillé «en totale opacité» et en transgressant les règles éthiques, le Dr He rétorque, droit dans ses bottes, avoir «informé des experts et des chercheurs aux Etats-Unis et en Chine» de l'avancée de ses travaux qu'il dit avoir payé de sa poche. «Mon entreprise n'a pas été impliquée», affirme celui qui dirige un laboratoire à Shenzhen. «Un article est prêt à être soumis à une revue scientifique», poursuit-il tout aussi calmement. Ce qui pourrait permettre de confirmer ou non les allégations sur son expérimentation qui pour l'heure n'a pas été vérifiée.