Journalistes et scientifiques étaient avides d'explications de la part du «père» autoproclamé des premiers bébés génétiquement modifiés. Lors d'une conférence de presse mercredi à Hongkong, le docteur He Jiankui a justifié ses essais cliniques, dont les résultats, révélés dimanche, auraient «fuité de façon inattendue». Schémas à l'appui, le biologiste chinois a expliqué comment il est intervenu sur des gènes d'embryons viables dans le but de rendre des bébés à naître résistants au virus du sida. Et comment il a utilisé la technique CRISPR-Cas9, qui découpe l'ADN pour mieux le soigner et qui, selon de nombreux chercheurs, ne serait pas encore totalement maîtrisée.
Fort des succès rencontrés lors d'expérimentations sur des singes, He Jiankui aurait décidé de passer à des essais cliniques sur des embryons humains. «Les parents, volontaires, ont été informés des risques posés par l'existence d'un "off-target" dans l'un des deux embryons», un autre gène touché que celui ciblé, et «ont décidé d'implanter» l'embryon, assure le biologiste. Et de conclure que les petites filles, nées il y a quelques semaines, seraient suivies médicalement jusqu'à leur majorité. Des détails invraisemblables, contraires à toute éthique, surgissent ensuite à mesure que des scientifiques présents l'assaillent de questions, non sans le traiter à maintes reprises d'«irresponsable».
Huit couples auraient initialement accepté de servir de cobayes, des hommes séropositifs et des femmes séronégatives. Tous sont «conscients des risques» pour leurs futurs enfants et «ont pu poser des questions tout au long du processus». En dépit des protocoles, He Jiankui dit avoir mené lui-même des entretiens auprès d'une association de lutte contre le sida pour les recruter. Au total, 31 embryons ont été manipulés, et une autre grossesse est en cours, affirme le chercheur, qui précise qu'«une pause est observée dans les essais du fait de la situation».
Fustigé pour avoir travaillé «en totale opacité» et en transgressant les règles éthiques, He Jiankui rétorque avoir «informé des experts et des chercheurs aux Etats-Unis et en Chine» de l'avancée de ses travaux, qu'il dit avoir payé de sa poche. «Un article est prêt à être soumis à une revue scientifique», poursuit le biologiste. Ce qui pourrait permettre de confirmer ou non les allégations sur son expérimentation qui, pour l'heure, n'a pas été vérifiée.