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Libération

George Bush, le dernier des vétérans

Le 41e président américain, qui avait mené la première guerre du Golfe, est mort vendredi. Décoré pour ses états de service dans le Pacifique, le successeur de Ronald Reagan avait repris son antienne libre-échangiste et conservatrice.
Devant le musée George-Bush à College Station (Texas), samedi. (Photo Loren Elliott. REUTERS)
publié le 2 décembre 2018 à 20h26

«Jeb, Neil, Marvin, Doro et moi avons la tristesse d'annoncer qu'après quatre-vingt-quatorze années remarquables, notre cher papa est mort.» C'est ainsi que son fils George W. Bush, qui lui succéda à la Maison Blanche quelques années plus tard, a annoncé vendredi soir dans un communiqué la mort de George H.W. Bush président des Etats-Unis de 1989 à 1993.

Un président qui «s'est retrouvé embrigadé comme chef du monde libre, sans avoir rien fait pour cela», décrit l'historien Romain Huret, directeur du Centre d'études nord-américaines à l'EHESS.

Connu pour son manque d’exubérance, George H. W. Bush, un sourire affable toujours aux lèvres, a surfé sur la popularité de Ronald Reagan, monstre politique aux yeux des Américains, pour se faire élire. Avant cela, l’ancien acteur de cinéma et télévision l’avait pris sous son aile, en le nommant vice-président de 1981 à 1989.

Pourtant fort d’un impressionnant CV - ambassadeur à l’ONU pour les Etats-Unis, ambassadeur en Chine, directeur de la CIA -, George H. W. Bush a peiné à percer lors de la campagne présidentielle de 1988. Il affrontait Michael Dukakis, candidat peu percutant d’un Parti démocrate qui n’avait pas encore vécu le virage centriste des Clinton.

Après un démarrage difficile, Bush s'est transformé, dans les derniers mois de campagne, en bête de scène, clamant haut et fort les valeurs de la droite conservatrice, «travail, famille, religion, communauté.»

Base-ball. Une fois au pouvoir, il reprend ses vieilles habitudes - il a alors 64 ans - et sa figure d'aristocrate désuet, à l'aise uniquement dans son luxueux domaine de famille à Kennebunkport, dans le Maine. Né d'un père banquier millionnaire devenu sénateur du Connecticut, marié à l'héritière d'une famille de propriétaires de journaux, George Bush a vécu une vie de luxe tranquille. Lors de son élection en 1988, sa sœur témoignait : «Il ne faut pas croire que nos parents nous ont gâtés. Ils étaient très exigeants : il fallait toujours rentrer nos raquettes quand il pleuvait.» Capitaine de l'équipe de base-ball, membre d'une fraternité à Yale pendant ses études d'économie, George Bush a fait carrière dans l'industrie pétrolière au Texas, avant de s'engager dans la vie politique.

Parenthèse dans ce long fleuve tranquille, il s’engage, à 18 ans, dans les forces armées et mènera 58 missions de combat pendant la Seconde Guerre mondiale. Lors d’une sortie au-dessus du Pacifique, il est touché par des tirs antiaériens, puis secouru par un sous-marin, seul survivant de son appareil. Ces actions lui ont valu d’être décoré de la Distinguished Flying Cross. En janvier 1945, il se marie avec Barbara Pierce, jeune femme issue du même milieu huppé. Ils auront ensemble six enfants : George (futur président), Robin (mort enfant), John dit Jeb (candidat à la primaire républicaine face à Trump), Neil, Marvin et Dorothy. Ils resteront mariés soixante-treize ans, jusqu’à la mort de Barbara, en avril.

A la Maison Blanche, George Bush poursuit un troisième mandat pour Reagan. Un mandat marqué par la première guerre du Golfe. Sept mois après l'invasion du Koweït par le dictateur irakien Saddam Hussein, le président annonce à 21 heures, le 27 février 1991, la fin des combats. Une belle revanche pour les Américains, après l'échec au Vietnam. Saddam Hussein, vaincu lors d'une «guerre de cent heures», rend sa place à George Bush dans le cœur des Américains. Sa cote de popularité bondit à 90 %. Le commandant en chef parle alors de «nouvel ordre mondial». Le mur de Berlin est tombé, la guerre froide est finie. «Devant nous, il y a la tâche difficile d'assurer une paix potentiellement historique», proclame le président, triomphant.

La lune de miel est de courte durée. Sur le plan intérieur, Reagan avait laissé à son ami des infrastructures dégradées, un système financier fragile. Bush, après lui, reste presque muet sur les problèmes sociaux du pays : crise urbaine, intensité des oppositions raciales, délabrement de l'éducation secondaire. Il défend une économie de marché «libérée» et «voulait laisser aux entreprises le soin de mener l'avenir de la nation. Lui qui avait traité le libre-échangisme de Regan "d'économie vaudou" en 1980», détaille Romain Huret. Lui qui s'était toujours positionné comme un modéré au sein de son parti se pose en héritier de la politique conservatrice et libre-échangiste de Reagan.

Son style détonne autant avec celui de son prédécesseur qu'avec celui de Bill Clinton, ou même de son fils qui sera élu en 2000 à la présidence. Entre les deux George Bush, c'est le jour et la nuit. «Le fils avait un vrai programme, une idéologie de l'interventionnisme. Le père a plutôt accompagné l'histoire», continue le chercheur.

«Patriote». En 1992, George Bush père perdra la face devant le jeune et énergique Bill Clinton. Le républicain se met alors en retrait de la vie politique, même pendant les deux mandats de son fils. Il souffre d'une série de problèmes de santé. Peu rancunier envers la famille Clinton, il a laissé dire, en 2016, qu'il voterait pour Hillary Clinton.

«L'Amérique a perdu un patriote et un humble serviteur», a déclaré samedi Barack Obama, qui l'avait salué lors de sa dernière conférence de presse en tant que président. Dans un communiqué, Donald Trump a, lui, rendu hommage à son «leadership» : «A travers son authenticité, son esprit et son engagement inébranlable en faveur de la foi, de la famille et de son pays, le président Bush a inspiré des générations de concitoyens américains.» Une journée de deuil national a été décrétée mercredi pour les funérailles du 41e président des Etats-Unis.