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Libération

CDU : Friedrich Merz, Annegret Kramp-Karrenbauer, Jens Spahn

publié le 6 décembre 2018 à 19h26

Friedrich Merz Le Revanchard Très droitier

Il est désigné comme «l’anti-Merkel» pour son hostilité envers la politique de la chancelière et sa volonté de pousser la CDU encore plus à droite. L’homme réfute le terme, mais sans convaincre. Ex-président du groupe CDU-CSU au Bundestag en 2000-2002, il en fut évincé par… Angela Merkel, qui voulait sa place en plus de la présidence du parti. Il en devint alors vice-président, avant de démissionner en 2004, prétextant un différend sur le programme fiscal de la CDU-CSU. En vérité, Merkel l’a patiemment évincé, comme elle l’a fait avec de nombreux membres d’un club masculin parfaitement organisé et bien décidé à empêcher cette étonnante femme, jeune et venue de l’Est, d’accéder au pouvoir.

Autant dire que Friedrich Merz, 63 ans, voue à la chancelière une certaine rancune, qu'évoque la journaliste Florence Autret dans Angela Merkel, une Allemande (presque) comme les autres (Tallandier, 2013). Elle cite un observateur avisé de la politique allemande ayant, à l'époque, croisé Merz à Berlin, «les larmes aux yeux», et ajoutant en commentaire : «Il m'a expliqué comment elle avait joué l'affaire. Il ne recevait plus les informations, ni les invitations à certains cercles de la CDU». Las, Merz s'est consolé en travaillant dans le privé comme avocat. Millionnaire, ce propriétaire de deux jets privés préside également le conseil de surveillance de la filiale allemande de Blackrock, gestionnaire d'actifs dont les bureaux ont été perquisitionnés à Munich début novembre dans le cadre de «Cum ex», enquête sur une vaste fraude fiscale. Avant de revenir en politique avec fracas… moins de vingt-quatre heures après l'annonce par la chancelière de son retrait.

S’il est désigné, Merz emmènera la CDU à droite toute. Ce farouche néolibéral a autrefois déclaré qu’une déclaration d’impôt devrait pouvoir tenir sur un sous-bock. Concernant la politique migratoire, il a émis des critiques envers le pacte de l’ONU sur les migrations, et remis en cause publiquement le droit d’asile, pourtant inscrit dans la Constitution allemande - vertement critiqué sur ce point, il s’est depuis rétracté. Les analystes politiques estiment qu’il a de bonnes chances de succéder à Angela Merkel. Et il dispose depuis mardi du soutien du président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, figure tutélaire de la CDU, au passage lui aussi un ancien rival de Merkel, évincé par la chancelière il y a une dizaine d’années.

Annegret Kramp-Karrenbauer La Dauphine Conservatrice

On la surnomme «AKK», la «mini-Merkel», ou la «Merkel de la Sarre». Bref, on ne cesse de la comparer à la chancelière. Peut-être parce qu’Annegret Kramp-Karrenbauer, 56 ans, est secrétaire générale de la CDU, fonction qu’occupait Angela Merkel entre 1998 et 2000 avant de prendre la présidence du parti et d’accéder à la Chancellerie. Mais c’est aussi parce que l’ex-ministre-présidente de Sarre, discrète et tenace, possède le même style politique que la chancelière, sans afféteries - sans charisme, persifleront certains. Il n’empêche. AKK, seule femme du trio, est en tête des sondages d’opinion et incarne la continuité. C’est là sa force et sa faiblesse.

Politiquement, elle est merkelienne, strictement de centre droit, avec une tonalité très conservatrice sur les sujets de société. Concernant la politique migratoire du pays, elle est modérée, surtout comparée à ses deux rivaux : elle approuve le pacte de l’ONU sur les migrations mais réclame un durcissement de la politique des expulsions des demandeurs d’asile déboutés et des migrants reconnus coupables de crimes. Catholique revendiquée, elle s’oppose fermement au mariage pour tous (qu’elle a associé en 2015 à l’inceste et la polygamie), mais aussi à la suppression du paragraphe 219a du code pénal allemand, qui réprime la publicité pour l’avortement. Pour le reste, elle a pour atout de connaître parfaitement les arcanes de la CDU, pour en avoir poussé la porte à 19 ans. Reste à savoir si les délégués de la CDU vont choisir de mettre à leur tête une femme qui a tout pour devenir le John Major d’Angela Merkel…

Jens Spahn l’agitateur clivant

A 38 ans, le ministre fédéral de la Santé est un opposant de la première heure de la politique migratoire d'Angela Merkel. A ce titre, il s'oppose au pacte de l'ONU sur les migrations ; il a réclamé le premier que le texte soit approuvé ou non par les délégués réunis à Hambourg. Pour le reste, il s'oppose, tout comme Annegret Kramp-Karrenbauer, à la suppression du paragraphe 219a du code pénal allemand, qui réprime la publicité pour l'avortement. De manière générale, il tient des propos sur l'IVG tels que : «Quand il s'agit de la vie des animaux, ceux qui veulent promouvoir l'avortement ne font pourtant aucun compromis.» Concernant le mariage entre personnes de même sexe, il y est favorable ; il a voté pour en 2017 et s'est ensuite marié avec un journaliste. Mais le ministre fédéral n'échappe pas à l'antienne homonationaliste qui corrèle systématiquement islam et homophobie.

Si Jens Spahn, trop clivant, a peu de chances d’être désigné à la tête de la CDU, son style politique bouscule un parti ronronnant, vieillissant, et englué dans ses certitudes. Il vient de déclarer à la télévision allemande, et à ce sujet, il est difficile de lui donner tort : «Lorsqu’on est encore considéré comme « tout jeune » à la CDU alors qu’on a 38 ans, alors peut-être tient-on là une partie du problème…»