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COP 24

Michal Kurtyka : «Tout le monde doit être bien accueilli à la COP 24»

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Dans une interview à «Libération», le président de la COP 24 fait le point sur les avancées de la première semaine de cette conférence onusienne sur le climat organisée en Pologne, et décrit les objectifs des négociations politiques, qui débutent lundi.
Michal Kurtyka lors de l'ouverture de la COP 24 à Katowice le 3 décembre. (Photo Kacper Pempel. Reuters)
publié le 10 décembre 2018 à 9h41

Après la semaine des experts et du jargon technique, l'heure de la politique a sonné à la vingt-quatrième conférence des Nations unies sur le changement climatique. A Katowice, dans le sud de la Pologne, 120 ministres sont attendus, à partir de lundi, pour une semaine d'intenses négociations. Concernant la France, seule la secrétaire d'Etat Brune Poirson sera présente pour participer aux discussions, aux côtés de la délégation européenne. Dans un austère bureau sans fenêtre, Michal Kurtyka, francophone, polytechnicien de formation et ministre polonais en charge de l'Energie, tient les rênes de la présidence de cette COP 24. Il détaille à Libération les grands enjeux des prochains jours de négociations.

Jusqu’à maintenant, les gouvernements ont-ils été à la hauteur de l’urgence climatique démontrée par le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publié en vue de cette COP ?

Depuis plusieurs mois, je voyage à travers le monde pour préparer cette conférence. Je vous assure que tous les acteurs que j'ai rencontrés désirent obtenir un cadre législatif mondial commun pour l'accord de Paris [conclu à la COP 21 en décembre 2015, ndlr]. C'est le moteur de la politique climatique pour les années à venir.

Quel était l’objectif de cette première semaine de COP ?

L'accord de Paris comprend 29 articles. D'ici au 14 décembre, les Etats doivent se mettre d'accord sur comment ces articles vont prendre vie. Par exemple, le principe de contributions nationales [équivalent de plans climat par pays, ndlr] a été imaginé il y a cinq ans, à la conférence de Varsovie. Il a suivi un processus de maturation pour être inscrit dans l'accord de Paris en 2015. Aujourd'hui, alors que les 197 Etats signataires ont présenté leur feuille de route, il reste à définir quels secteurs sont couverts par ces contributions nationales. Quels paramètres va-t-on mesurer lors des cycles d'évaluation prévus tous les cinq ans ? Comment comptabiliser les efforts menés par les Etats ?

Où en est-on de ces «règles du jeu» qui doivent être terminées le 14 décembre ?

Les travaux ont bien avancé malgré le nombre important de sujets très techniques. Ce n’est pas une mince affaire. Il s’agit de mettre en musique les différentes volontés et spécificités de près de 200 pays, de façon à ce que tous se sentent en mesure de respecter l’accord de Paris. C’est fondamental pour qu’un climat de confiance s’établisse dans les négociations et que chacun veuille tenir ses promesses. Mais ces travaux techniques ont des limites. Certaines questions ne peuvent être résolues que sur le plan politique.

Lesquelles ?

Sous la direction de la présidence polonaise, les ministres vont démarrer lundi les négociations sur des questions comme la transparence sur les politiques mises en œuvre, les financements internationaux et la composition des contributions nationales. Un des principes très importants de l’accord de Paris, qui a permis son succès, est le respect de la souveraineté nationale.

Les négociations techniques vont-elles se poursuivre en parallèle ?

Nous avons adopté une approche très pragmatique. Nous travaillons encore sur plusieurs centaines de pages d’un document qui doit être terminé d’ici vendredi. Il y a des points qui nécessitent encore d’être peaufinés et ne peuvent être transmis aux décisionnaires politiques en l’état.

Que peut-on attendre du dialogue de Talanoa organisé mardi et mercredi ?

C'est un moment très important. Les pays vont se retrouver pour partager leurs expériences et évaluer où nous en sommes de l'action climatique au niveau planétaire. Le message qui sortira des tables rondes ministérielles sera présenté par les présidences polonaise et fidjienne [de la COP 23, ndlr] mercredi pour encourager les Etats à relever leurs ambitions d'ici 2020, année de l'entrée en effet de l'accord de Paris.

Plusieurs membres de la société civile en route pour Katowice ont été refoulés à la frontière polonaise. Pourquoi ?

Nous sommes convaincus que la liberté de parole est un principe essentiel à toute société démocratique. Je suis en contact avec les autorités polonaises pour m’assurer qu’il n’est pas possible de faire autrement. Ces actions sont menées pour des raisons de sécurité qui ne me sont pas communiquées. Je comprends qu’il peut y avoir des cas très particuliers où ce type de mesure doit être appliqué. Tout le monde doit être bien accueilli à la COP 24 et la société civile doit pouvoir s’exprimer de la façon la plus pacifique et la plus constructive possible. Pour faciliter le dialogue avec les acteurs non étatiques, nous avons établi, pour la première fois dans une conférence onusienne sur le climat, un canal de communication par les réseaux sociaux. Un agrégateur va réunir les principaux messages qui vont en émerger et les présenter aux négociateurs.