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Libération
Dégel

Budget : petit terrain d'entente entre Rome et Bruxelles

L'Italie a accepté de ramener son déficit budgétaire à 2,04% du PIB contre 2,4 prévu initialement, en retardant la mise en vigueur de deux mesures phares de la Ligue et du Mouvement Cinq Etoiles.
Giuseppe Conte en conférence de presse au Conseil européen le 14 décembre à Bruxelles. (Photo John Thys. AFP)
par Eric Jozsef, correspondant à Rome
publié le 20 décembre 2018 à 15h55

Le dégel a été laborieux et tardif, mais après des semaines de bras de fer, Rome et Bruxelles ont signé une trêve hivernale. La Commission européenne a levé, au moins provisoirement, l’hypothèse de l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif à l’encontre de l’Italie et du gouvernement populiste de Giuseppe Conte. Ce dernier, au terme d’une longue discussion interne avec les chefs des deux partis qui forment sa coalition – Matteo Salvini pour la Ligue et Luigi Di Maio pour le Mouvement Cinq étoiles (M5S) – a en effet réussi à donner des gages aux institutions communautaires.

Mercredi, devant le Parlement, Giuseppe Conte a confirmé que le déficit budgétaire pour l'an prochain sera ramené à 2,04% du PIB contre 2,4% prévu initialement. Alors que la Commission menaçait de sanctionner financièrement Rome et que les marchés financiers commençaient à faire peser leurs doutes sur les taux d'intérêt transalpins, la coalition populiste a revu sa copie pour environ 10 milliards d'euros. Giuseppe Conte a assuré que le compromis a été trouvé «sans jamais reculer par rapport aux objectifs» fixés par les Italiens après les législatives de mars.

En clair, les deux mesures phares de projet de loi de finances (le revenu de citoyenneté fortement voulu par le M5S et la réforme des retraites permettant un départ anticipé, portée par la Ligue) ont été maintenues. Mais leur entrée en vigueur a été repoussée au moins jusqu'au printemps, ce qui a permis de dégager des marges de manœuvre. La solution «n'est pas idéale» a reconnu le vice-président de la Commission européenne Vladis Dombrovskis «mais elle permet d'éviter à ce stade l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif».

Argument «gilets jaunes»

De toute évidence, Bruxelles nourrit beaucoup de doutes sur la solidité du plan Conte. La Commission a d'ailleurs précisé «qu'elle continuera à surveiller les évolutions du budget italien». Une manière de dire qu'une procédure pour déficit excessif peut être remise sur la table à tout moment. Par ailleurs, les clauses de sauvegarde, prévoyant une augmentation de la TVA en cas de dérapage ultérieur des comptes publics, ont dû être validées par les partis gouvernementaux alors qu'ils les avaient dénoncées lorsqu'ils étaient dans l'opposition.

Forts de ces garanties et de la révision partielle du budget, les responsables européens, qui sont en fin de mandat, ont accepté de desserrer l'étau autour de Rome. Ils ont visiblement voulu éviter une crise prolongée avec l'Italie, à la veille des élections européennes de mai prochain. Et cela alors que le Brexit et la révolte des gilets jaunes en France occupent déjà beaucoup l'agenda de la Commission. «Nous ne pouvons pas ignorer le contexte politique», a d'ailleurs lâché le commissaire aux Affaires économiques Pierre Moscovici.

Dans un entretien au Corriere della Sera, Giuseppe Conte a reconnu qu'il avait avancé l'argument «de la stabilité sociale en Italie» en opposition à «certaines critiques comptables» des instances communautaires. Au passage, le président du Conseil a fait savoir qu'il avait «explicitement mentionné la révolte des gilets jaunes devant le commissaire Pierre Moscovici». Une façon apparemment assez efficace pour amadouer ses interlocuteurs européens.