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Libération
Portrait

Elizabeth Warren, Trump et la Maison Blanche dans le viseur

La sénatrice du Massachussetts et ennemie jurée du président a annoncé lundi dans un live Instagram sa candidature à la primaire démocrate pour la présidentielle de 2020.
Réélue sénatrice lors des midterms, Elizabeth Warren prêtait serment, jeudi, pour la rentrée du Congrès. (PHOTO AARON P. BERNSTEIN. REUTERS)
publié le 4 janvier 2019 à 20h26

L’air décontracté, Elizabeth Warren décapsule une bière dans sa cuisine au début d’une vidéo en direct sur Instagram. Le style se veut simple mais le moment est important : il s’agit, pour la démocrate, ancienne professeure de droit à Harvard et ennemie jurée de Donald Trump, de répondre pour la première fois aux internautes en qualité de potentielle future présidente des Etats-Unis. Le 31 décembre, elle a annoncé la création d’un comité de soutien qui lui permet de lever de l’argent en vue d’une éventuelle candidature pour l’élection de 2020. Techniquement, il y a peu de différence entre une telle annonce et un départ officiel en campagne. D’ailleurs, la sénatrice du Massachusetts se rend dès ce week-end dans l’Iowa, l’Etat qui accueillera, comme toujours, le premier caucus présidentiel en février 2020.

Conseillère

A 69 ans, Warren prend ainsi la tête du peloton dans la course aux primaires démocrates, pourtant encore lointaines, auxquelles de nombreux autres candidats devraient se joindre sous peu. «Je suis à fond dans ce combat», explique-t-elle dans une vidéo publiée le jour de son annonce. Cette championne de la classe moyenne américaine, dont elle est issue, assure qu'elle n'aurait jamais cru briguer un tel mandat dans sa vie. Mais la présidence de Donald Trump - un «tyran en puissance», une «brute raciste à fleur de peau» - l'a convaincue du contraire.

«L'administration actuelle travaille pour les riches et ceux qui ont de bons réseaux mais elle ne fait rien pour tous les autres, explique encore la représentante de l'aile gauche du parti démocrate. La classe moyenne est sous attaque.» La défense de cette couche de population, que Donald Trump a séduite en 2016, fait partie des engagements de longue date de Warren. En 2007, soit un an avant la crise bancaire de 2008, la spécialiste du droit des faillites avait écrit un article dans lequel elle dénonçait judicieusement le manque de régulation du système financier et appelait à la création d'un comité de défense des consommateurs face aux grandes entreprises. Sous son impulsion, celui-ci voit le jour trois ans plus tard et Elizabeth Warren est embauchée comme conseillère par Barack Obama, ravi d'accueillir dans son équipe «une fille de concierge».

Son ascension sociale, Elizabeth Warren, originaire d’une famille modeste de l’Oklahoma, la doit, dit-elle, à des études supérieures très peu onéreuses - 50 dollars par semestre, au début des années 70. Une opportunité trop rare, selon elle, dans un pays où les frais de scolarité s’élèvent aujourd’hui à plusieurs milliers, voire dizaines de milliers, de dollars par an.

Dès son arrivée au côté d’Obama, Elizabeth Warren commence à jouir d’une popularité solide à travers le pays. On plébiscite cette battante prête à en découdre avec Wall Street. En 2013, elle remporte le siège de sénatrice du Massachusetts et devient la première femme à occuper le poste dans cet Etat (elle a été réélue en 2018). Certains la rêvaient alors candidate pour la présidentielle de 2016 à la place de Hillary Clinton. Elle avait aussi été un temps pressentie pour être sa colistière.

«Clivante»

Désormais, d'aucuns voudraient plutôt la dissuader de se présenter. Populaire parmi les démocrates - 3 électeurs sur 5 la soutiendraient, selon un sondage réalisé mi-décembre par l'université de Quinnipiac (Connecticut) -, elle réaliserait un mauvais score à l'échelle du pays : 30 % d'opinions favorables contre 37 % en sa défaveur, les 43 % d'Américains restants n'ayant pas d'avis, révélateur d'un déficit de notoriété au niveau national. Elle arrive ainsi en troisième place derrière l'ancien vice-président Joe Biden et le populaire sénateur du Vermont, Bernie Sanders. On lui trouve une similarité pénalisante avec Hillary Clinton, alors même qu'elle est politiquement bien plus proche de Sanders. D'autres ne lui donnent que peu de chances dans un contexte où de jeunes figures démocrates émergent. «Elle a laissé passer sa chance en 2016» et «est devenue trop clivante», estimait, début décembre, un éditorial du Boston Globe, principal média de son fief.

Elle s'est d'ailleurs attiré cet automne les critiques de son clan, ainsi que de la communauté amérindienne des Cherokees, après avoir publié des tests ADN pour prouver des origines indiennes remontant à plusieurs générations. Ce faisant, elle espérait clouer le bec de Trump qui l'a affublée du surnom moqueur de «Pocahontas» et l'accuse d'avoir menti sur ses ancêtres pour entrer à Harvard. En vain. Ce dernier feint désormais de se réjouir à l'idée qu'elle soit candidate. «J'espère qu'elle va faire un bon score. J'adorerais l'affronter», a-t-il commenté, narquois, sur Fox News.