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Les «shutdowns» qui ont marqué l’histoire américaine

Depuis 1976, les Etats-Unis ont souvent vu leur vie politique paralysée suite à des querelles budgétaires. Alors que le vingt-et-unième «shutdown» vient de se déclarer, retour sur les blocages les plus emblématiques qu’a connus le pays.

Une manifestation à Ogden, Utah, le 10 janvier. (Photo Natalie Behring. AFP)
Par
Florian Bouhot
Publié le 11/01/2019 à 13h08, mis à jour le 01/10/2025 à 15h24

Faute d’entente entre la majorité républicaine au Congrès et les élus démocrates, une loi reconduisant pour sept semaines les dépenses de l’Etat fédéral n’a pu être votée, entraînant ce mercredi les Etats-Unis en période de paralysie budgétaire. Le shutdown a pour conséquence le gel d’une partie de l’administration fédérale : plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires vont être mis au chômage technique et de fortes perturbations sont attendues pour les usagers des services publics. Une situation dont chaque camp se rejette déjà la responsabilité, très impopulaire aux Etats-Unis, mais pas inédite. Retour sur les principaux blocages qui ont marqué les cinquante dernières années.

2018-2019 : sous Trump, le plus long

Durée : 35 jours

Pendant la première présidence Trump, fin 2018, les démocrates minoritaires au Congrès ont refusé de reconduire les dépenses tant que les républicains s’obstineraient à financer un mur à la frontière mexicaine et à promettre l’expulsion du territoire aux «Dreamers», les jeunes arrivés en bas âge aux Etats-Unis avec des parents sans papiers. Malgré sa durée record, ce shutdown était resté relativement indolore car la plupart des ministères fédéraux concernés disposaient encore de fonds. Il s’était soldé par un compromis des démocrates avec des sénateurs républicains «de la vieille école» encore réfractaires à l’extrémisme de Trump.

2013 : sous Obama, le plus emblématique

Durée : 16 jours

Votée en 2010, la grande réforme de l’assurance maladie américaine, plus connue sous le nom d’«Obamacare», entre en vigueur le 1er octobre, pendant le deuxième mandat de Barack Obama. Si le démocrate peut compter sur une majorité au Sénat, la Chambre des représentants est quant à elle aux mains des Républicains. Ces derniers, hostiles à d’éventuelles hausses d’impôts, tentent de faire plier Obama sur sa réforme, qu’ils perçoivent comme une «catastrophe». Ils espèrent la supprimer ou, au minimum, la détricoter. En vain. Après 16 jours de paralysie, les républicains capitulent. Les 850 000 employés fédéraux privés de salaire peuvent reprendre le chemin du travail. Tous seront payés rétroactivement.

1995-1996 : sous Clinton, le plus tendu

Durée : 7 puis 21 jours

C’est une bataille de chiffres qui déclenche cette crise. Le démocrate Bill Clinton et le Congrès, largement dominé par les républicains, doivent s’accorder sur un calendrier budgétaire étalé sur sept ans. Mais ils s’écharpent sur les estimations à prendre en considération. Clinton préconise d’utiliser celles du Bureau de la gestion et du budget, plus optimistes que celles du Congressional Budget Office, défendues par des républicains désireux de réduire le déficit fédéral. Une fois encore, un accord temporaire est décidé, permettant un financement du gouvernement à hauteur de 75%. Après quatre semaines de calme, la crise reprend. L’opinion publique impute la faute aux républicains – et en particulier au président de la Chambre des représentants Newt Gingrich –, qui finissent par céder après 21 jours de bataille.

1982 : sous Reagan, un parmi d’autres

Durée : 5 jours

Entre 1981 et 1987, Ronald Reagan s’est érigé en champion du shutdown. Avec huit blocages, le républicain est le président américain qui en compte le plus. Celui de décembre 1982, le deuxième de l’année, a pour cause le veto du Président contre un programme en faveur de l’emploi proposé par les républicains du Sénat et par les démocrates de la Chambre. En retour, celle-ci bloque l’une des priorités du programme de défense de Reagan, dans un contexte de guerre froide : le financement des missiles MX. Un blocage de cinq jours s’ensuit. Le Président y met fin non sans amertume : le programme en faveur de l’emploi est remplacé par une aide pour lutter contre la pauvreté et le projet des missiles est abandonné – jusqu’au shutdown de l’année suivante, où il est finalement financé, au détriment de l’éducation. Seule l’aide à Israël, que Reagan préconisait, est maintenue.

1977 : sous Carter, le plus morcelé

Durée : 14 jours puis 10 et 10 jours

L’histoire se répète un an après, jour pour jour. Cette fois, c’est le démocrate Jimmy Carter qui occupe la Maison Blanche. S’il peut compter sur une majorité dans chacune des chambres, ces dernières ne parviennent pas à s’entendre sur la question de l’avortement. La Chambre des représentants propose de conserver les aides en vigueur, uniquement accordées aux femmes enceintes dont la vie est en danger. Le Sénat milite quant à lui pour créer une aide aux femmes enceintes victimes de viol ou d’inceste. Un accord temporaire est finalement trouvé, laissant un mois de plus au Congrès pour négocier. Arrivé à expiration, cet accord est renouvelé pour un mois après 10 jours supplémentaires de paralysie. Les négociations reprennent le 30 novembre et débouchent sur un accord final le 9 décembre : la loi est finalement modifiée comme l’espéraient les sénateurs. La thématique de l’avortement réapparaîtra au cœur de trois autres shutdowns, en 1978, 1979 et 1983.

1976 : sous Ford, le tout premier

Durée : 11 jours

30 septembre. Pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis sont gelés pour cause de shutdown. Avant une loi fédérale de 1974 renforçant le pouvoir du Congrès sur le budget américain, ce terme n’avait de sens pour personne. Ce jour-là, à la Maison Blanche, Gerald Ford vient de poser son veto contre une allocation de 56 milliards de dollars aux départements du Travail, de la Santé et des Services sociaux, souhaitée par un Congrès à majorité démocrate. Une manière pour le président républicain de se placer en chantre de la baisse des dépenses fédérales. «Ma décision est purement et simplement fondée sur la question de l’intégrité fiscale», justifie-t-il. Le 1er octobre, le Congrès contourne le veto du républicain. Mais il faudra attendre le 11 pour que les parties parviennent à un accord budgétaire global.

Mis à jour le 1er octobre, après l’entrée des Etats-Unis dans une nouvelle période de shutdown.