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Justice

Carlos Ghosn : les portes du pénitencier fermées à quadruple tour

Alors que le Japon condamne 99% des personnes jugées, les charges s’accumulent contre le patron, qui se plaint de ses conditions de détention.
A Tokyo, le 8 janvier. (Photo Behrouz Mehri. AFP)
publié le 14 janvier 2019 à 20h47

Depuis son arrestation surprise le 19 novembre, les charges s’accumulent contre Carlos Ghosn. Le patron de Renault, déchu de ses titres de président de Nissan et Mitsubishi, aurait minoré ses revenus dans des rapports financiers annuels de 2010 à 2015. Ces fausses déclarations n’ont aucun rapport avec le service japonais des impôts, mais concernent un document sur l’état de l’entreprise appelé «yukashoken hokokusho». Le dirigeant de 64 ans aurait ainsi dissimulé aux autorités boursières 5 milliards de yens (40,3 millions d’euros) de rémunérations sur cinq ans. Il a été mis en examen pour ce motif le 10 décembre.

Amaigri. Vendredi, l'artisan de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a écopé de deux autres inculpations. La seconde pour le même motif de minoration de revenus, mais sur les trois derniers rapports annuels, pour un montant de 4 milliards de yens. La troisième, pour «abus de confiance aggravé». Carlos Ghosn aurait tenté de faire couvrir par Nissan des pertes sur des investissements personnels au moment de la crise financière d'octobre 2008. La somme incriminée s'élève à 1,85 milliard de yens. Dans ce cadre, il aurait sollicité l'aide du milliardaire saoudien Khaled Juffali, afin qu'il se porte garant, puis l'aurait rémunéré ultérieurement avec de l'argent issu de la «réserve du PDG».

Depuis son arrestation, Carlos Ghosn est emprisonné dans une petite cellule du centre de détention de Kosuge, dans le nord-est de Tokyo. Selon sa femme, la pièce est éclairée nuit et jour et il n’aurait pas accès à son traitement médical. Carole Ghosn a écrit à l’ONG Human Rights Watch pour dénoncer les conditions d’interrogatoire infligées à son mari. Ses avocats ne peuvent l’assister et n’ont pas accès aux éléments du dossier. En vertu d’un article de la Constitution japonaise, Carlos Ghosn a toutefois obtenu une comparution le 8 janvier pour obliger le procureur à clarifier le motif de sa détention prolongée.

Flanqué de deux gardes, il est apparu devant un tribunal de Tokyo amaigri, menotté, avec une corde autour de la taille et des slippers en plastique aux pieds - ces claquettes prisées par les Japonais pour se déplacer déchaussés. Pendant dix minutes, il a pu s’exprimer sur les faits qu’on lui reproche et clamer son innocence. De son côté, le juge a confirmé son maintien en détention en raison d’un risque de fuite à l’étranger ou de destruction de preuves. Avec trois mandats d’arrêt émis, la dernière garde à vue expirait le 11 janvier. Mais Carlos Ghosn reste en détention dans l’attente de son procès.

Révélations. Le parquet de Tokyo peut maintenant décider de lui infliger un quatrième motif d'arrestation, alors que de nouvelles révélations sont apparues ces derniers jours dans les médias. D'après les Echos, Ghosn se serait encore fait verser 7 millions d'euros entre 2017 et 2018, par une structure créée aux Pays-Bas dans le cadre du rapprochement entre Nissan et Mitsubishi. Le Franco-Libano-Brésilien serait alors replacé en garde à vue pour 48 heures, extensible deux fois dix jours à condition que le tribunal donne son approbation. Ses avocats ont dès vendredi déposé une demande de libération sous caution, même si celle-ci semble peu probable de l'aveu même de l'un des avocats de Ghosn, Motonari Otsuru. La réponse pourrait intervenir ce mardi ou mercredi.

En cas de refus, le dirigeant de Renault restera en prison jusqu’au 10 mars au moins. La tenue d’un procès pourrait prendre encore six mois. Au Japon, 99 % des personnes renvoyées devant un tribunal sont jugées coupables. Autant dire que Carlos Ghosn semble avoir peu de chances de sortir blanchi de ce procès. Il risquerait jusqu’à quinze ans de prison.