Elle est arrivée sans illusions. En se présentant lundi après-midi devant les députés de la Chambre des communes, Theresa May savait qu'à moins d'un miracle, elle avait déjà perdu le vote de ce mardi soir. Elle a même essuyé dans la journée une nouvelle démission de son gouvernement, celle du député Gareth Johnson, justement chargé de la discipline de vote du parti. Mais sur la planète May, on est arrivé à un point où plus personne n'effectue le décompte des démissions. Pour la Première ministre britannique, l'enjeu était de réduire au maximum l'ampleur de la défaite. Si l'accord de retrait de l'Union européenne est rejeté par une marge raisonnable de voix, elle pourra éviter un vote de défiance contre son gouvernement et le risque d'élections générales. Et espérer proposer un second vote au Parlement, peut-être dès la semaine prochaine, après un petit tour pour discuter à Bruxelles.
Humeur
Alors May a sorti le grand jeu, a fait appel au cœur, à la structure même du royaume. Pour la première fois, elle a évoqué les risques, en cas de sortie de l'UE sans accord, d'une indépendance de l'Ecosse et d'une réunification de l'île d'Irlande. En gros de la fin du Royaume-Uni et du démantèlement du pays. «C'est sûrement le risque le plus grand que représente une sortie sans deal !» a-t-elle assené avec emphase. Elle a ensuite détaillé une nouvelle fois le deal, souligné un échange de lettres avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, publiée lundi pour apporter de nouvelles assurances sur le backstop nord-irlandais («filet de sécurité» destiné à éviter une fermeture de la frontière avec l'Eire). Si jamais une frontière physique était à nouveau imposée, ce ne serait que «pour la période la plus courte possible». Elle a aussi réitéré son «absolue conviction» que la signature d'un accord de libre-échange serait possible d'ici la fin 2020.
Rien de tout cela n'était nouveau et rien ne risquait de modifier radicalement l'humeur de la Chambre des communes. Le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a d'ailleurs balayé la déclaration en reprochant à May de n'avoir jamais travaillé avec l'ensemble du Parlement au cours des trente derniers mois. «Il est temps de convoquer des élections, il est temps de changer de gouvernement», a-t-il lancé. Pour lui, seules des élections pourront résoudre la question du Brexit. Comment ? Il n'a pas donné la réponse.
Pire
Les livres d'histoire ont bon dos, convoqués par les politiques dès qu'il s'agit de souligner la solennité du moment. May n'y a pas coupé. Elle a conclu sa brève déclaration par une sérieuse mise en garde aux députés. «Lorsque les livres d'histoire seront écrits, les gens examineront la décision qui sera prise par cette Chambre demain et se demanderont si nous avons honoré le vote du pays de quitter l'Union européenne, si nous avons préservé notre économie, notre sécurité et notre Union. Ou si nous avons méprisé la volonté du peuple britannique», a-t-elle déclaré. Elle a enjoint les députés de «jeter un regard neuf» sur l'Accord de retrait de l'UE.
«Non, il n'est pas parfait et oui, il s'agit d'un compromis», a-t-elle répété pour la énième fois, mais cet accord est meilleur que la perspective «d'une sortie sans accord». Un peu plus tôt dans la journée, elle avait même mis en garde contre une alternative encore pire, au moins pour certains des députés conservateurs : le risque de l'annulation pure et simple du Brexit.